Lorsqu’on demande à Leylah Annie Fernandez de faire l’évaluation de sa saison, elle ne s’attribue même pas la note de passage. Elle est même en deçà de 50 %. Et ce, même si elle a permis à l’équipe canadienne de devenir championne du monde.

De quoi aurait eu l’air son évaluation si elle n’avait pas aidé le Canada à remporter la première Coupe Billie Jean King de son histoire ? D’une certaine manière, cette victoire a sauvé sa saison.

« Ce n’est pas vraiment la victoire, c’est plus la manière dont j’ai joué », lance Fernandez, assise à une table de la cafétéria du stade IGA.

La joueuse de 21 ans venait de terminer une autre séance d’entraînement au Centre national avec son père Jorge et sa sœur Bianca.

En réalité, ce triomphe, ou même sa victoire à Hong Kong, a très peu de répercussions sur le bilan qu’elle dresse de sa saison. Elle s’appuie plutôt sur l’amélioration de son jeu au sens large en s’interrogeant sur sa progression. À savoir si elle est parvenue à devenir plus forte physiquement, plus forte mentalement dans les moments difficiles et plus intelligente sur le court.

Elle s’attarde également de plus en plus à « ne pas frapper la balle juste pour frapper, mais avoir un plan dans la tête avant de frapper ».

En début de saison, dit-elle, elle a « appris beaucoup sur [elle]-même ».

Si bien qu’en fin d’année, « les résultats ont aidé ». « Mais de la manière dont j’ai joué à la Coupe Billie Jean King, c’est pour ça que j’ai pu monter mon évaluation finale », a-t-elle ajouté dans son survêtement de sport bleu ciel.

Toujours le progrès

La Québécoise a terminé la saison 2022 au 40rang et elle se trouve 5 rangs devant un an plus tard, avec une courte ascension en 32position en cours de saison.

Malgré une fiche de 39 victoires et 24 défaites et un titre en tournoi WTA 250 en poche, Fernandez était nuancée lorsqu’on lui a demandé comment elle définissait le succès d’une saison. Ou du moins, quels étaient les critères pour pouvoir affirmer si, oui ou non, une année s’était bien déroulée.

« Premièrement, on regarde les victoires, parce que ça se trouve n’importe où sur l’internet », a-t-elle répondu.

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Leylah Annie Fernandez a terminé la saison 2023 au 35e rang mondial.

Cela étant, l’évaluation s’articule en analysant chacun des matchs sur vidéo.

« Est-ce que je vois que je suis plus forte ? Est-ce que je bouge mieux ? Est-ce que mes décisions sont plus intelligentes ? Est-ce que je fais des jeux pour finir les points ? »

C’est donc en s’attardant et en répondant à toutes ces questions que Fernandez parvient à s’autoévaluer.

Une saison en deux temps

Les plus fins observateurs auront certainement remarqué une différence nette dans le rendement et la qualité du jeu de Fernandez entre la première et la deuxième moitié de la saison.

Ce changement de cap s’est opéré à la suite du retour à temps plein du paternel dans l’entourage de la jeune joueuse, juste avant Wimbledon.

Et elle a ainsi retrouvé ses sensations, et surtout sa confiance, à partir de la reprise sur surface dure.

« Il est très organisé et j’adore ça. Très intelligent dans la manière de préparer ses entraînements et les plans de match », explique Leylah à propos de son père Jorge.

Du tournoi de Washington à la fin de juillet jusqu’à la Coupe BJK en novembre, Fernandez s’est trouvée plus offensive et plus intelligente dans la manière de gérer ses points.

« D’entrer au filet et de pouvoir finir les volées. Je ne gagne pas tous les points, mais chaque fois que je suis au filet, je suis un peu plus à l’aise et je suis contente chaque fois que je peux gagner des points importants de cet endroit, parce que c’est là que j’ai pu faire la différence dans les matchs en fin d’année. »

Elle est également revenue brièvement sur son épopée montréalaise, où elle a de nouveau conquis son public en atteignant le troisième tour. « Je me suis rappelé pourquoi j’avais commencé à jouer au tennis. »

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Leylah Annie Fernandez a atteint le troisième tour à l’Omnium Banque Nationale à Montréal, l’été dernier.

À partir de l’Omnium Banque Nationale, la gauchère est parvenue à battre des joueuses mieux classées. Sporadiquement, on revoyait la finaliste des Internationaux des États-Unis de 2021. Beatriz Haddad Maia, Elise Mertens, Victoria Azarenka et Markéta Vondroušová figurent notamment sur son tableau de chasse.

Dans sa tête, c’est comme si chaque fois, elle avait battu Roger Federer. « Depuis longtemps, c’est ça notre truc, notre petit secret, où chaque fois qu’il [Jorge] me demande contre qui je joue, je dis toujours Federer, parce que je sais que je veux bien jouer et que je veux gagner le match. »

Fernandez repartira chez elle, en Floride, dans les prochains jours pour profiter du temps des Fêtes et surtout pour s’entraîner en extérieur.

La rigueur et le souci de trouver ses propres failles animent plus que jamais la joueuse de 21 ans. Avec du recul, elle trouve quand même une forme de réjouissance à travers ses écueils lorsqu’elle est capable d’admettre que la perfection n’est pas une destination ni une finalité, mais plutôt une accumulation du nombre de fois où elle a mieux joué que la veille.

« Surtout de trouver les détails minuscules pour pouvoir gagner les tournois et pour pouvoir finalement gagner un Grand Chelem. »

Et le jour où elle y arrivera, elle saura sans doute se donner la note de passage.