(Melbourne) Devenue la cinquième joueuse issue des qualifications à s’inviter dans le dernier carré en Grand Chelem dans l’ère Open en Australie mercredi, l’Ukrainienne Dayana Yastremska a fait de la France sa terre d’adoption, sans oublier pour autant le sombre sort de sa nation en guerre.

Quelques jours après le début de l’invasion russe en Ukraine en février 2022, Yastremska, désormais 93e mondiale, a atteint la finale du tournoi de Lyon, avant de rester en France où elle a fréquenté plusieurs centres d’entraînement, contrainte à un exil forcé.

« Lyon, ça a été mon premier tournoi après que la guerre a éclaté. Je ne m’étais pas entraînée avant. On avait autre chose à penser. Quand on est arrivé en France avec ma sœur (Ivanna), on nous a accueillis très chaleureusement, se souvient-elle. J’étais bouleversée et je ne sais pas comment j’ai fait pour jouer comme ça et atteindre la finale. »

Depuis, l’Ukrainienne âgée de 23 ans a posé plusieurs fois ses valises, la dernière en date à Cagnes-sur-Mer, avec sa mère. Là, sur la Côte d’Azur, elle bénéficie d’un duo d’entraîneurs composé du Français Emmanuel Heussner et du Letton Marcis Garuts.

Son père multiplie quant à lui les allers-retours avec l’Ukraine, tout comme sa sœur et sa grand-mère.

« Solidité hallucinante »

« J’aime la France. Les conditions d’entraînement sont agréables… Mais je préfère quand même mon pays. J’aimerais pouvoir y retourner plus souvent », souffle la native d’Odessa.

« J’essaie toujours d’écrire quelque chose pour l’Ukraine, ou à propos de l’Ukraine. J’en fais ma mission : si j’ai des bons résultats, essayer de montrer à l’Ukraine que j’en suis très fière », explique encore Yastremska.

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Dayana Yastremska

Après son quart de finale victorieux mercredi (6-3, 6-4 contre Noskova), ses mots s’adressaient ainsi aux « combattants ukrainiens ». « Je suis très fier d’eux. Ils méritent tout notre respect », affirme-t-elle.

« Émotionnellement c’est compliqué. Je le vois quand il y a des appels téléphoniques, relève pour sa part Heussner auprès de l’AFP. Ils sont d’une solidité hallucinante, ils ont une force incroyable. »

Grimpée aux portes du top 20 à moins de 20 ans (2019), Yastremska restait sur deux saisons terminées hors du top 100 mondial.

Mi-2021, une suspension provisoire à son encontre après un contrôle antidopage positif avait été levée.

Sur les traces de Raducanu ?

Passée par les qualifications des Internationaux d’Australie, Yastremska a déjà joué et gagné huit matchs sur les courts du Melbourne Park. Elle a notamment fait chuter la Tchèque Marketa Vondrousova, N.7 mondiale et lauréate surprise de Wimbledon en 2023, au premier tour, et la Biélorusse Victoria Azarenka, ex-N. 1 mondiale aujourd’hui 22e, en huitièmes.

« J’ai senti qu’il se passait quelque chose, une sorte de souffle de confiance supplémentaire » après le premier match, témoigne Heussner.  

« On ne s’attendait pas vraiment à ce qui se passe, mais on connaît son talent. Elle a une qualité de frappe énorme. Il y a ce truc qu’elle dégage, ce feu contrôlé. Elle a un côté champagne, et en même temps très mature. »

Avant la quinzaine australienne, Yastremska n’avait jamais dépassé les huitièmes de finale d’un Grand Chelem.

Elle rejoint donc désormais le cercle fermé des joueuses issues des qualifications ayant réussi à accéder au dernier carré, avec pour modèle ultime Emma Raducanu.

Aux Internationaux des États-Unis 2021, la jeune Britannique sortie des qualifications avait été jusqu’à réaliser l’exploit d’être sacrée à New York. Du jamais-vu.

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Emma Raducanu

Aux Internationaux d’Australie, jusque-là, une seule qualifiée avait atteint les demi-finales, il y a près d’un demi-siècle, l’Australienne Christine Dorey (en 1978).

« C’est sympa d’écrire l’histoire, je n’étais même pas née à cette époque-là », sourit Dayana Yastremska.