(Melbourne) Secousse tellurique à Melbourne : le N.1 mondial Novak Djokovic, décuple vainqueur des Internationaux d’Australie, qui n’y avait plus perdu un match depuis 2018, a été déboulonné en demi-finale par le N.4 mondial Jannik Sinner vendredi.

Djokovic, battu 6-1, 6-2, 6-7 (6/8), 6-3 en un peu moins de trois heures et demie, briguait un 25e sacre inédit en Grand Chelem à Melbourne, à 36 ans.  

À 22 ans, Sinner va lui jouer dimanche sa toute première finale majeure. Le jeune Italien y affrontera le N.3 mondial Daniil Medvedev.

Fin de règne pour Djokovic ? Il est trop tôt pour le dire.  

« C’est un des pires matchs que j’ai joués en Grand Chelem, estime le Serbe de 36 ans. J’ai été choqué par mon niveau, dans le mauvais sens. »

PHOTO EDGAR SU, REUTERS

Novak Djokovic

« Ça ne veut pas nécessairement dire que c’est le début de la fin, souligne-t-il néanmoins. J’ai toujours des ambitions élevées pour les autres Grand Chelem, pour les JO, et les autres tournois que je jouerai. Ce n’est que le début de la saison. »

N’empêche, Sinner a frappé fort, au propre comme au figuré, en réussissant quelque chose que personne n’avait jamais réussi jusque-là : stopper Djokovic une fois qu’il a atteint le dernier carré des Internationaux d’Australie, devenu sa chasse gardée dans des proportions pas si éloignées de Rafael Nadal à Roland-Garros (14 titres).

Zéro balle de bris

Jusque-là, à chaque fois qu’il s’y était hissé en demi-finales — à dix reprises —, « Nole » avait conclu la quinzaine australienne le trophée entre les mains.

Djokovic restait sur 33 matchs gagnés consécutivement sur les courts du Melbourne Park.

Sa dernière défaite remontait à 2018 (en huitièmes de finale, contre Hyeon Chung). Depuis, il avait collectionné quatre titres de plus en cinq éditions. Seule exception : 2022, l’année de sa rocambolesque expulsion d’Australie, faute d’être vacciné contre la COVID-19.

Il y était en quête d’un onzième triomphe à Melbourne, et d’un 25e sacre inédit en Grand Chelem. Au moins pour un temps encore, il partage le record absolu avec l’Australienne Margaret Court.

« Évidemment, ça veut dire beaucoup pour moi de battre Novak ici, mais le tournoi n’est pas terminé, tempère Sinner. Il y a une finale dimanche. J’ai hâte d’y être. »

Au-delà du résultat, c’est la manière qui interpelle.

Pour la première fois en Grand Chelem, Djokovic a traversé un match sans se procurer la moindre balle de bris.

PHOTO WILLIAM WEST, AGENCE FRANCE-PRESSE

Jannik Sinner

Quand après 73 minutes, Sinner, fort de sa qualité de frappe exceptionnelle, menait déjà 6-1, 6-2, et que Djokovic, méconnaissable sans explication manifeste, était comme anesthésié et multipliait les fautes directes, souvent tôt dans l’échange, il fallait se pincer pour y croire.

« Pas vraiment moi-même »

Certes, le N.1 mondial ne vivait pas sa quinzaine australienne la plus tranquille. Certes, il restait sur un duel éprouvant en quarts de finale mardi après-midi (contre Taylor Fritz).

Mais rien ne laissait imaginer un tel scénario, encore moins sur la Rod Laver Arena, son terrain de jeu préféré, même face à Sinner, le seul joueur à avoir été capable de le battre après Wimbledon et jusqu’à la fin de l’année 2023, victorieux deux fois en dix jours (en phase de poules du Masters et en Coupe Davis).

Au bord d’une défaite en trois manches, confronté à une balle de match à 6 points à 5 dans le jeu décisif, Djokovic est parvenu presque par miracle à prolonger la partie.

Quasiment une heure après sa première occasion de conclure, Sinner, grâce à un bris acquis tôt dans la quatrième manche (3-1), a eu cette fois le dernier mot.

« Je ne me suis pas vraiment senti moi-même sur le court tout au long du tournoi », avoue Djokovic.

« Cette ville est très spéciale pour moi. J’espère simplement que j’aurais la chance d’y revenir, d’y jouer au moins une autre fois », souhaite-t-il.

Jamais un joueur italien n’a encore remporté les Internationaux d’Australie. En Grand Chelem, ils sont deux à avoir été titrés dans l’histoire, à Roland-Garros : Nicola Pietrangeli (1959 et 1960) et Adriano Panatta (1976). À Sinner de mettre fin à près d’un demi-siècle d’attente.

Medvedev renverse Zverev

Daniil Medvedev a renversé Alexander Zverev après avoir été mené deux manches à zéro pour s’imposer 5-7, 3-6, 7-6 (7/4), 7-6 (7/5), 6-3.

Medvedev tentera de décrocher un deuxième trophée du Grand Chelem après les Internationaux des États-Unis 2021 contre Jannik Sinner.

PHOTO DAVID GRAY, AGENCE FRANCE-PRESSE

Alexander Zverev et Daniil Medvedev

Une qualification loin d’être évidente pour le Russe, au moment où il a commis une double faute dans le jeu décisif du quatrième set, permettant au grand Allemand d’être à deux points d’une première finale à Melbourne.

Mais face à un « Sascha » Zverev fébrile au moment de conclure, Medvedev a su accélérer pour recoller à deux manches partout, lui qui n’était jamais parvenu à inquiéter son rival dans les deux premiers sets.

Après deux jeux décisifs remportés, le coup a été trop rude pour Zverev, qui a craqué dans l’ultime manche et a laissé son adversaire s’envoler vers la qualification.

« J’étais un peu perdu, et dans la troisième manche, je me suis dit “je veux au moins être fier de moi si je perds, me battre jusqu’à la fin, sur chaque point” », a déclaré Medvedev après la rencontre.

« Je me suis senti fatigué physiquement, je me suis dit, sois plus agressif, si ça ne marche pas, j’aurai essayé. Ca a marché, j’ai commencé à faire des meilleurs coups et à mieux servir », a-t-il ajouté.

C’est la deuxième fois depuis le début de la quinzaine que le Moscovite de 27 ans remonte un retard de deux manches, après sa victoire au deuxième tour contre le Finlandais Emil Ruusuvuori 3-6, 6-7 (1/7), 6-4, 7-6 (7/1), 6-0.

Il disputera dimanche la sixième finale en Grand Chelem de sa carrière, après celles des Internationaux des États-Unis (2019, 2021, 2023) et des Internationaux d’Australie.

À Melbourne, Medvedev s’était incliné en 2021 contre Novak Djokovic, puis l’année suivante en cinq manches contre Rafael Nadal.

Pour obtenir son premier sacre en Australie, Medvedev devra dominer Sinner, qui n’a lâché qu’une seule manche depuis le début de la quinzaine. Le Russe l’a emporté six fois lors des neuf confrontations entre les deux hommes, mais a connu ses trois défaites lors des trois dernières rencontres.