Habituellement, un joueur de tennis subit la défaite lorsqu’il commet 64 fautes directes, bousille huit balles de bris et remporte seulement quatre points en 20 montées au filet.

Mais généralement, un joueur triomphe lorsqu’il réalise 36 coups gagnants, remporte 76 % de ses points en première balle et brise son adversaire deux fois lors de la manche ultime.

Toutes ces données ont été celles de Gabriel Diallo lors du quatrième match de la phase de groupes de la Coupe Davis. Grâce à un gain en trois manches de 7-5, 4-6 et 6-1 face à Hong Seong-chan, samedi soir, le Québécois de 22 ans a permis au Canada de passer en phase finale en vertu d’une troisième victoire en quatre matchs face à la Corée du Sud.

Le jeune Diallo a été lancé dans la mêlée à deux moments sous haute tension. D’abord, il avait brisé la glace, vendredi, en remportant le premier match du programme. Puis, à cause de la défaite en double de ses compatriotes Vasek Pospisil et Alexis Galarneau en après-midi, la 132raquette mondiale avait la tâche de fermer les livres.

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Il a accompli sa mission avec toute la misère du monde, mais il est tout de même satisfait d’avoir bien répondu aux attentes de son capitaine Frank Dancevic : « Il n’y a rien qui peut te préparer à ça, a-t-il indiqué une fois la victoire acquise. Il y avait beaucoup de premières fois pour moi ce week-end. Je ne voulais pas me mettre de barrière ou de limite mentalement. J’étais prêt à tout. »

Après son premier match, contre Kwon Soon-woo, Diallo avait évoqué en toute transparence son inconstance au service et au filet. Même s’il avait terminé le duel avec la victoire, son visage et son ton traduisaient une forme de mécontentement.

Dans son match de samedi, il affrontait l’adversaire que Pospisil avait aisément battu la veille.

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Les parents de Gabriel Diallo étaient là pour l’encourager.

Hong, 224e au classement mondial, semblait donc être une proie relativement facile pour ce Montréalais carburant à la pression.

Il a d’ailleurs amorcé la rencontre avec aplomb, en étant plus incisif et plus mordant, surtout au service. L’enjeu a certainement eu son effet. En première manche, Diallo a orchestré une séquence pendant laquelle il a gagné 11 points de suite au service. À ce moment, son taux de réussite en première balle était de 95 %.

Même s’il a brisé son rival avec un coup droit décroisé pour conclure la manche au compte de 7-5, le nombre de fautes directes avait grimpé à 25. Et le Québécois n’était pas au bout de ses peines.

À l’arraché

Ultimement, Hong a offert une opposition de taille. Le joueur de 26 ans a poussé le grand Québécois jusque dans ses derniers retranchements. Le Coréen n’a rien fait d’extraordinaire, mais il a tout fait, justement, sans dépasser. C’est souvent la clé pour embêter un adversaire puissant et explosif comme Diallo.

Ce dernier, à bout de ressources, s’est mis à se tirer dans le pied, avec des erreurs bêtes et anodines, surtout dans la section supérieure du terrain. Ses touches étaient inadéquates et déséquilibrées. Résultat des courses, malgré deux chances de briser Hong lors du dernier jeu de la manche, Diallo lui a plutôt offert quatre points gratuits, et le set.

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Gabriel Diallo au service

« Je me suis parlé. J’ai commencé à jouer plus agressif. À jouer plus dans le rebond. J’ai commencé à monter plus au filet. Je lui ai donné moins de temps et ça m’a donné plus de balles faciles. […] Vers le milieu du deuxième set, jusqu’à la fin, j’ai eu une très mauvaise phase. J’ai pris un coup de mou, un peu, et les nerfs ont commencé à prendre le dessus », a expliqué le vainqueur.

Le moral était au plus bas dans les gradins du stade IGA. Le naturel de Diallo est cependant revenu au galop au moment opportun.

Le Québécois a brisé son rival dans ses deux derniers jeux au service et n’a commis aucun impair, en plus de gagner 88 % de ses jeux en première balle en troisième manche.

« J’ai beaucoup mieux servi [que vendredi]. À un moment dans le deuxième set, j’ai perdu un peu mon identité, mais ça fait partie du tennis. Il faut être capable de gérer. »

Au bout de 2 heures 33 minutes de jeu, Diallo s’est complètement lâché, jubilant sur le terrain en portant le drapeau canadien sur ses épaules. Grâce à lui, le Canada aura la chance de se battre pour un deuxième titre de la Coupe Davis en trois ans.

Un double difficile

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Nam Ji-sung et Song Min-kyu

Si Diallo a dû suer pendant presque trois heures pour transporter son équipe, c’est parce qu’avant lui, Vasek Pospisil et Alexis Galarneau avaient raté l’occasion de clore le débat en double.

Comme le Canada avait remporté deux matchs vendredi, le duo canadien n’avait qu’à battre le duo composé de Nam Ji-sung et Song Min-kyu pour finalement crier victoire. Mais il a baissé pavillon 6-4, 6-7 et 6-3.

Dès le départ, le duo canadien a appris à ses dépens à quel point il ne faut jamais tenir les Coréens pour battus. Après tout, il y a quelques mois, ils avaient surmonté un déficit de 0-2 face à la Belgique.

Rapidement, Galarneau est devenu la cible des Coréens au filet. Le Lavallois jouait son premier match en 2024 et il paraissait à la remorque en début d’affrontement. Il peinait à s’ajuster aux balles et à trouver sa cadence. Au filet, Galarneau était souvent sollicité.

Ç’a été compliqué, il y avait de la nervosité et de l’inconnu, par le fait que je n’avais pas joué de match compétitif depuis deux mois, mais […] ça allait de mieux en mieux et je commençais à être plus confortable sur le terrain.

Alexis Galarneau

De manière générale, Nam et Song ont excellé au service. Ça aura été leur arme de prédilection tout au long de la joute. Les Coréens ont offert aux Canadiens une seule balle de bris. C’était au troisième jeu de la troisième manche.

« Ils ont bien servi, mais le joueur au filet finissait bien les points et il arrivait à mettre la balle où on n’était pas, a reconnu Galarneau. Ce sont deux spécialistes du double, donc on s’attendait à ça. »

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Vasek Pospisil

Ils ont également été tenaces au filet. Les attaques du clan canadien étaient lentes, sans vie et sans réelle intention. Les smashs gagnants des Coréens fusaient comme les Perséides en août. Le duo local a repris du poil de la bête et un décroisé du revers de Galarneau au bris d’égalité a offert la deuxième manche à son équipe.

L’histoire s’est toutefois répétée au troisième set. La Corée a été sans tache. Le Canada, visiblement traumatisé par l’efficacité de l’équipe adverse au filet, s’est mis à tenter des coups fantaisistes sans résultat. Jamais les locaux n’auront été capables de briser leurs rivaux.

La prochaine étape

Le Canada sera donc en action en septembre pour poursuivre son périple vers le saladier d’argent.

Impossible de parier sur l’identité des joueurs qui représenteront le Canada en phase finale, mais Frank Dancevic est certain de pouvoir présenter sur le terrain une formation capable de battre n’importe quelle nation.

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L’équipe canadienne s’est qualifiée pour la phase finale de la Coupe Davis.

« On a beaucoup de profondeur dans notre équipe. Surtout avec les performances que vous avez vues dans les deux derniers jours. […] Il y a beaucoup d’équipes dans le monde qui ont juste un ou deux joueurs et si le joueur est blessé, ça nous donne beaucoup de chances. »

D’ailleurs, Dancevic a laissé échapper dans l’une de ses réponses que Milos Raonic « n’était pas à 100 % », ce qui va à l’encontre de ce qui avait été avancé par le camp canadien plus tôt cette semaine.

Cela expliquant pourquoi le vétéran n’a été impliqué dans aucune rencontre ce week-end.