Difficile d’être éclipsé par quiconque lorsqu’on mesure 6 pi 5 po (1,98 m). Mais malgré sa taille généreuse et sa huitième place au classement mondial, Hubert Hurkacz file comme le vent, sans que personne s’en aperçoive. Jusqu’à ce qu’il se lève.

Le Polonais a remporté sept des neuf finales auxquelles il a pris part depuis son arrivée à temps plein sur le circuit de l’ATP. Dans son cas, son taux d’efficacité en match ultime est remarquable. Ses titres en Masters 1000, en 2021 contre Jannik Sinner à Miami et en 2023 contre Andrey Rublev à Shanghai, témoignent de sa capacité à gagner des tournois d’importance.

Or, même si son rang au classement le place parmi les joueurs les plus redoutables, Hurkacz est toujours à la recherche de ce fameux titre en tournoi du Grand Chelem pouvant le sortir de cet anonymat relatif.

Il était 20 h 20 à Dubaï lorsque le joueur de 27 ans a décroché le téléphone pour répondre à La Presse. Il était à la veille d’affronter Christopher O’Connell dans ce tournoi de calibre 500.

Hurkacz était posé. Son débit était presque au ralenti. C’est très rare de voir le grand droitier s’emporter ou s’emballer en entrevue. Ce trait de caractère, ou de personnalité, plus discret et moins exubérant par rapport à ses homologues, amenuise ses chances d’atteindre le rang de supervedette comme Holger Rune ou Taylor Fritz, deux exemples de joueurs au rendement semblable à celui de notre intervenant.

« Ce n’est pas une chose sur laquelle je me concentre », dit-il, calmement.

Si le peu d’attention médiatique qui lui est accordée ne le tracasse pas, il est davantage préoccupé par sa place au classement. Le top 10 n’a pas été aussi perméable depuis des lustres. Les joueurs y entrent et en sortent comme si c’était un magasin d’appareils électroniques le lendemain de Noël.

Quatre joueurs installés dans le top 10 n’y étaient pas à pareille date l’année dernière. Même que trois joueurs confortablement posés dans le top 5 il y a 52 semaines sont aujourd’hui au-delà de la 10e place.

Hurkacz a atteint un sommet en carrière avec sa huitième place le 29 janvier dernier. Cependant, l’éventualité de sortir du groupe des 10 ne l’empêche pas de dormir.

J’ai été près du top 10 au cours des trois dernières années. J’espère que les fans y trouvent du plaisir. Plusieurs jeunes se pointent le bout du nez et c’est bon pour le sport. Juste Jannik [Sinner] qui gagne un tournoi du Grand Chelem… C’est une si bonne personne, c’est très rafraîchissant de le regarder jouer.

Hubert Hurkacz

À entendre les propos du Polonais, il souhaite presque que son sport connaisse une meilleure progression que sa propre carrière. Cette hypothèse est peut-être grotesque, mais probablement non loin de la vérité.

À l’époque où Eugène Lapierre était le grand patron de l’Omnium Banque Nationale, Hurkacz était souvent l’un des premiers joueurs arrivés en ville, mais aussi le plus volontaire. Il offrait ses services pour toutes les activités de promotion et de communication. Pour vendre son sport. Pour le rendre accessible. L’entendre louanger Sinner en réponse à une question initialement posée à propos de son classement n’a donc rien de surprenant.

L’as au service

Grâce à son amplitude, Hurkacz domine à peu près toutes les catégories liées au service. Il est premier pour le taux d’efficacité (298,0, un indice calculé par l’ATP à partir de quelques statistiques au service), les points gagnés sur première balle (79,6 %), les jeux gagnés au service (89,1 %) et la moyenne d’as par match (14,9).

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Grâce à son amplitude, Hurkacz domine à peu près toutes les catégories liées au service.

« Si tu n’essaies pas de t’améliorer, tu vas stagner. Ça peut même devenir une faiblesse. Tout se joue dans le détail. Il faut maîtriser les plus petits éléments. Ce n’est pas parfait tous les jours. J’aimerais qu’à chaque match tous mes services soient parfaits. L’idée, c’est de se sentir à l’aise », explique-t-il à propos de son succès avec la balle en main.

Le plus compliqué demeure toutefois de continuer à s’appliquer sur une facette du jeu qu’il maîtrise déjà très bien. La quête d’équilibre entre le perfectionnement des éléments de son jeu le mettant en valeur et le travail sur ses faiblesses est au centre de ses préoccupations. « À ce niveau, il faut travailler sur les éléments dans lesquels on est bon, parce que ce sont nos meilleures armes. On peut aussi être en deçà de la moyenne dans certaines facettes du jeu, tant qu’on travaille à les améliorer. »

Il cite son côté parfois passif et la qualité de ses retours de service comme éléments plus faibles de son jeu.

Chose particulièrement intéressante lorsqu’on s’attarde à ses matchs : à quel point il se retrouve souvent en situation de bris d’égalité. C’est une habitude chez les gros serveurs. Incassables lorsqu’ils ont l’avantage, mais limités lorsqu’ils doivent recevoir les politesses.

En 13 affrontements cette saison, 16 manches se sont décidées à la limite. Il en a gagné neuf. « Je pense que ça me donne surtout de l’expérience dans ce genre de situation, insiste-t-il. Je me sens peut-être plus à l’aise, plus calme durant ces points. Mais ça vient avec mon style de jeu et il faut adapter sa tactique. »

Les mêmes objectifs

Quelques jours après l’entrevue, Hurkacz s’est fait sortir du tournoi de Dubaï par Ugo Humbert en quarts de finale. C’était déjà le troisième affrontement cette saison entre ces deux joueurs.

Le Polonais n’a encore atteint aucune finale en 2024. Sa plus récente a été celle de Bâle, en octobre, où il s’est incliné devant Félix Auger-Aliassime.

D’ici la fin de la saison, il demande à ne pas être jugé seulement sur ses résultats, mais plutôt sur la manière dont il gère ses matchs, parce que c’est comme ça qu’il s’évalue. Principalement parce que le résultat ne fait pas foi de tout.

« Si tu joues bien, tu te donnes de meilleures chances de gagner. Il y a des semaines où j’ai obtenu de bons résultats, mais ma qualité de jeu n’y était pas. On peut chercher à s’améliorer même quand on gagne. Le niveau est si relevé, la marge est si fine, que si tu montres la moindre faiblesse, ça ne va tout simplement pas fonctionner. […] Maintenant, on veut se rapprocher du sommet et y rester. »

Qui est Hubert Hurkacz ?

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Hubert Hurkacz

  • Né le 11 février 1997 à Wrocław, dans le sud-ouest de la Pologne
  • Gagnant de sept titres sur le circuit de l’ATP
  • Sommet personnel au classement à la 8e place mondiale en janvier 2024
  • Aurait pu faire carrière en course automobile ou en basketball
  • Ancien partenaire de Félix Auger-Aliassime en double