Rajeunir de 30 ans la personne à la tête de l’Omnium Banque Nationale venait aussi, quasi inévitablement, avec un nécessaire rajustement de l’emploi du temps.

Valérie Tétreault a mis cartes sur table dès son embauche : mère d’une fillette aujourd’hui âgée de 3 ans, elle n’allait pas passer 25 % de son année sur la route. « Ce n’est pas une concession que j’étais prête à faire à court terme. Je n’avais pas envie de ne pas être présente pendant les premières années de sa vie. »

« C’est drôle, parce que quand j’ai eu le poste, on a beaucoup parlé du fait que j’étais la première femme à l’occuper, alors que pour moi, le plus gros deal, c’était qu’ils me le donnent à 34 ans, raconte-t-elle. C’était sûr que j’allais accepter [l’emploi], mais ma réflexion, c’était sur l’équilibre entre travail et vie familiale. »

Elle a donc établi ses « limites ». Celles-ci, toutefois, la plongent dans un perpétuel conflit intérieur, qui est encore le fardeau de bien des femmes dans des postes de prestige en 2023.

« Ça mène au sentiment de n’être ni la meilleure mère ni la meilleure gestionnaire.

« Il y a toujours un travail sur soi-même à faire, poursuit-elle. Il ne faut pas se taper sur la tête. Ça prend un bon cercle autour de soi, qui est capable de nous soutenir, et je suis choyée de ce côté-là. Ensuite, il faut faire des choix selon nos convictions, nos priorités, nos valeurs. J’essaie de me ramener à ça. »

À cet égard, la dernière année a été « compliquée », notamment en raison d’une volonté de « dire oui à tout pour [se] justifier un petit peu ». Cette « première boucle » terminée, elle sait qu’elle sera « plus sélective » à l’avenir. Car l’équilibre parfait, ou du moins ce qui s’en rapproche le plus, demeure « fragile ».

« Je ne sais pas si ce sera comme ça toute ma vie. Mais je sais que pour les 10 prochaines années, ce sera un défi de tous les jours. »

Quand ma fille vieillira, je veux qu’elle soit fière de moi. Donc je veux être présente comme mère, mais je veux aussi qu’elle puisse me voir en action.

Valérie Tétreault

Le temps file et l’entrevue tire à sa fin. Prenant très maladroitement la balle au bond, le représentant de La Presse demande à Valérie Tétreault si elle-même est fière d’elle.

La principale concernée sourit, marque une pause.

« Quand je jouais au tennis, à chaque anniversaire, je ne vivais pas bien avec l’idée de vieillir, dit-elle. Comme athlète professionnelle, tu sais qu’à un moment donné, ce sera la fin. Quand j’ai eu 30 ans, je n’étais pas contente de passer de la vingtaine à la trentaine. Mais j’ai eu 35 ans, en janvier dernier, et j’étais très bien avec ça pour une des rares fois de ma vie. »

Plus que jamais, elle se retrouve exactement là où elle le veut. Elle évoque un possible « concours de circonstances », mais aussi les décisions qu’elle a prises au cours de sa vie et avec lesquelles elle est « en paix ».

Notamment celle d’avoir pris sa retraite aussi jeune. Au bon moment, avant d’en avoir « ras le bol » du tennis ou de ne « plus vouloir toucher à une raquette » de sa vie. Elle est partie avec la volonté de « redonner » à son sport.

« [Or], je considère que c’est encore mon sport qui continue de me donner », croit-elle. La voilà aujourd’hui au « summum », à la tête du tournoi dont elle n’a pas raté une présentation depuis qu’elle a 8 ans.

« C’est cliché, mais chaque matin, je suis contente de venir travailler, conclut-elle. C’est hyper important pour moi, parce que je sais que ça a un impact sur la personne que je suis, sur tout ce que je fais dans ma vie. »

C’est peut-être cliché. Ce n’en est pas moins précieux.

Questions en rafale

Morte ou vivante, avec quelle personnalité aimeriez-vous aller souper ?

Billie Jean King. Elle a été capable d’évoluer dans le temps en demeurant super pertinente et en conservant l’énergie pour continuer à se battre. J’aimerais comprendre comment elle l’a fait. Il me semble qu’on aurait bien des affaires à jaser.

Votre boisson de choix

Assurément un café. Latté et au lait de soja.

Quel objet, autre que votre cellulaire, est indispensable à votre vie ?

Mes souliers de course. Faire du sport me fait du bien mentalement et physiquement, que ce soit pour faire le vide ou pour réfléchir. Ou juste pour avoir un moment pour moi pendant lequel je ne suis pas devant un écran.

Une devise qui guide vos décisions ?

Mener par l’exemple. Certains leaders disent une chose qui ne correspond pas à ce qu’on observe par la suite. Je pense que, comme leader, si je démontre que je respecte mes valeurs et mes convictions, il y aura un effet d’entraînement qui peut être très sain.

Quel est le prochain projet inscrit sur votre liste ?

Nos ateliers [workshops] pour planifier l’expansion du tournoi, qui va se jouer sur 12 jours à compter de 2025. C’est vraiment ça, notre gros projet en ce moment.