Ils étaient trois. Ils sont maintenant deux. Avec la défaillance dramatique de Cadel Evans, Andy Schleck et Alberto Contador sont maintenant les deux seuls vainqueurs potentiels du Tour de France. Le duel s'annonce passionnant, à l'image de cette Grande Boucle depuis le départ à Rotterdam, il y a 10 jours.

Avant la grande explication, à partir de dimanche prochain dans les Pyrénées, Schleck et Contador ont uni leurs efforts pour mettre à mal les autres prétendants, en particulier Evans, qui faisait pitié dans son maillot jaune. On apprendra peu après la course que l'Australien avait le coude cassé. Triste dénouement pour un grand coureur, qui semblait transformé par son maillot de champion du monde. Il devrait quand même prendre le départ aujourd'hui.

Le col de la Madeleine, premier hors catégorie du Tour (les plus durs), a été à la hauteur des attentes et un peu plus. Au lendemain de la première journée de repos, et avec la longue descente vers Saint-Jean-de-Maurienne, les ténors auraient pu la jouer un peu plus conservateur. Ce fut tout le contraire.

Le groupe des leaders était déjà très mince quand Schleck, incisif, a placé les premières attaques à huit kilomètres du sommet. Contador, à l'aise, a répondu trois fois.

C'est là qu'ils se sont regardés et ont convenu d'une trêve temporaire. Un moment sportif unique qu'on ne voit qu'en vélo. Je n'attaque plus, tu ne m'attaques pas. On roule ensemble jusqu'à l'arrivée. Et on fait couler tous les autres.

Schleck l'a bien expliqué dans sa première entrevue suivant la cérémonie du podium. Il a admis d'emblée qu'une quatrième ou une cinquième salve l'aurait probablement condamné lui-même.

Belle honnêteté du longiligne Luxembourgeois, qui était beau à voir dans son tout premier maillot jaune.

Schleck est déjà très populaire. Ce n'est pas un hasard si sa première victoire à Morzine, dimanche dernier, a été accueillie par des applaudissements dans la salle de presse, comme on a pu le lire instantanément sur le site Twitter.

Manifestement, sa légion de fans continuera de grossir. Toujours souriant, Schleck livre des interviews rafraîchissantes, en français si besoin est. Autant on sent son respect sincère pour Contador, autant on perçoit qu'il n'en a pas peur. Quelle confiance, quelle assurance et quelle lucidité pour un jeune homme d'à peine 25 ans.

Il aura bien besoin de ces trois qualités pour le reste du Tour. Car, bien sûr, il devra continuer d'attaquer Contador dans les Pyrénées pour espérer ramener le jaune à Paris.

Bien malin qui pourrait prédire avec certitude l'issue du duel Schleck-Contador. Surtout qu'aucun des deux ne détient d'avantage marqué en fait d'équipiers. Pas de train bleu pour cadenasser la course comme à l'époque des sept victoires d'Armstrong. En haute montagne, presque tous les leaders ne peuvent compter que sur un ou deux soldats au maximum avant l'ultime bataille.

Largué à 10 kilomètres du sommet de la Madeleine, Ryder Hesjedal a montré ses limites. Mais le Canadien s'est encore battu comme un chien pour limiter la casse, cédant un peu moins de cinq minutes à Schleck et Contador. Il est rentré deux secondes devant un groupe fort contenant plusieurs coureurs qui, comme lui, peuvent viser une place parmi les 10 premiers: Roche, Sastre, Wiggins, Rogers, Löfkvist. Hesjedal est passé du sixième au 12e rang au général, à 5 minutes 42 secondes de Schleck.

AUJOURD'HUI: 10e étape, Chambéry-Gap, 179 km: Dernière étape de moyenne montagne avant de quitter les Alpes. Malheureusement, on ne verra pas à la télé l'ascension de la difficile côte de Laffrey, placée à 70 km après le départ. C'est dans la descente vers Gap, en 2003, que Joseba Beloki avait lourdement chuté et qu'Armstrong avait réalisé son numéro d'équilibriste. Journée où les favoris ne vont pas se montrer, donc propice à une échappée pour la victoire d'étape. En ce 14 juillet, les Français voudront se montrer. C'est pourquoi un Espagnol va gagner.

LE TWEET DU JOUR: Frank Schleck: «Fier de toi, mon frère. Je suis content. On serait tous les deux sur le podium. Ça fait mal, cher frère. Mon but est de battre Andy Schleck l'an prochain.»