Depuis l'attaque victorieuse d'Andy Schleck à Morzine, d'aucuns disaient qu'Alberto Contador était moins fort qu'en 2009, qu'il était vulnérable.

L'Espagnol a dissipé une bonne partie de ces interrogations en remettant la pareille au Luxembourgeois sur la route menant à l'aérodrome de Mende, hier. Il a filé comme un avion pour reprendre les 10 secondes perdues à Morzine. Kif-kif.

La grande différence est qu'en emmenant Joaquin Rodriguez dans sa roue, Contador a sans doute privé son équipe Astana et, surtout, son coéquipier Alexandre Vinokourov d'une victoire d'étape. Vino, son capitaine de route, celui qui l'a tiré d'un mauvais pas la veille quand les Saxo Bank de Schleck ont voulu lui mettre le nez dans le vent.

Il s'en est trouvé pour condamner l'action de Contador. Ce jugement est beaucoup trop sévère.

D'abord, quelle est la priorité d'Astana? Ramener le maillot jaune sur les Champs-Élysées le 25 juillet ou une victoire d'étape à Mende?

Devant l'évidence de la réponse, Contador avait tout intérêt à tester Schleck. D'autant que le maillot jaune avait déjà manifesté son aversion pour cette côte de la Croix-Neuve et, qu'après la course, il a admis ne pas s'être senti dans une «grande journée».

D'autre part, quand il a réussi à décramponner Schleck à un kilomètre du sommet, Contador avait-il le luxe de supputer, de se demander où en était Vinokourov? Sur Twitter, Contador a parlé de «confusion» quant à la situation de course à la radio. On peut le croire ou pas.

Mais si Schleck n'avait pas reçu l'aide providentielle de Van Den Broeck, Sanchez et Menchov, ces 10 secondes auraient pu se transformer en 20 ou 30 secondes.

À l'analyse, il est vrai que 10 secondes ne paraissent pas un débours très important pour Schleck. Mais peut-être les regrettera-t-il sur la rampe de départ du contre-la-montre de Bordeaux, la veille de l'arrivée à Paris. Laurent Fignon pourrait lui en parler.

Oui, Vino a frappé sur son guidon en traversant la ligne. Fâché contre Contador ou simplement déçu de voir filer une si belle occasion? On en jugera par son comportement dans les Pyrénées, mais selon ses déclarations à l'arrivée, il restera un coéquipier fidèle.

En tout cas, son échappée d'hier a permis aux autres coureurs d'Astana de se tenir bien tranquilles dans le peloton. Pendant ce temps, les coéquipiers de Schleck ont encore dû laisser beaucoup de forces sur la route. Ça pourrait faire la différence dans la dernière semaine.

Et que dire de Ryder Hesjedal? Il a bien failli faire un Laurent Jalabert de lui-même. À la différence du Français, qui s'était imposé au même endroit il y a 15 ans après avoir menacé le jaune de Miguel Indurain, le coup de dés d'Hesjedal n'a pas payé. Le Canadien a quand même réussi à sauver les meubles, cédant moins d'une minute.

Quel culot d'avoir tenté ce numéro alors qu'il aurait pu se contenter de protéger sa 12e place au général. «Je suis ici pour courir... Je n'ai pas peur de rouler et de tout laisser sur la route», a déclaré Hesjedal à cyclingnews.com après l'arrivée. On a bien hâte de voir ce qui lui reste dans les jambes.

AUJOURD'HUI: 13e étape, Rodez-Revel, 196 km: dernière étape avant les Pyrénées. Ce sera quand même bosselé sur les 70 premiers kilomètres. Il y a aussi une côte de 1,9 km à 6% à 7 km de l'arrivée (ça ressemble à Camilien-Houde, ça). Voilà l'étape pour Cunego, qui court après une victoire depuis le début du Tour. Sinon, un deux sur le Norvégien Boasson Hagen.

DEMAIN: 14e étape, Revel-Ax 3 Domaines, 184,5 km: première des quatre grandes étapes pyrénéennes, avec arrivée au sommet à Ax 3 Domaines et l'éreintant Port de Pailhères, tout juste avant. Les écarts seront importants et les meneurs seront forcément devant. Schleck et Contador seront encore au coude à coude. Prédiction: le Luxembourgeois gardera son maillot jaune mais l'Espagnol lui reprendra un peu de temps.

LE TWEET DU JOUR: Levi Leipheimer: «Pas ma meilleure journée, mais je peux me réjouir de ne perdre seulement que quelques secondes. Rodriguez gagne même après avoir culbuté dans un fossé à 60 km/h dans une descente!»