Huit secondes. Il faut remonter à 1990 pour retrouver un écart si infime entre deux meneurs avant un contre-la-montre final. En retard de cinq secondes, l'Américain Greg LeMond avait pulvérisé le grimpeur italien Claudio Chiappucci, en route vers son troisième sacre au Tour de France, sans avoir gagné une seule étape.

Alberto Contador se dirige lui aussi vers un triplé après ses victoires en 2007 et 2009. Et s'il ne s'impose pas aujourd'hui sur le contre-la-montre de 52 kilomètres entre Bordeaux et Pauillac, l'Espagnol complétera la Grande Boucle sans succès d'étape.

Contador dispose d'un coussin de huit secondes, donc, sur son plus proche poursuivant, Andy Schleck, gagnant de deux étapes. Le détenteur du maillot jaune ne peut céder plus de 1,5 seconde aux 10 kilomètres.

Mais à moins d'une crevaison - ou d'une chaîne enrayée - il n'y aura pas de suspense. Le Castillan est trop fort au chrono. On n'a qu'à penser aux 42 secondes qu'il a prises à Schleck lors du prologue de 8,9 km à Rotterdam pour s'en convaincre. Ou à sa victoire par trois secondes sur le champion olympique Fabian Cancellara lors du contre-la-montre final d'Annecy (40 km), il y a un an, pour s'en convaincre.

Schleck avait alors fini 25e, à 1min45 de Contador. Il s'agissait d'une amélioration par rapport à l'année précédente, où il avait fini à 3min41 de Cancellara.

Champion national de la spécialité, le grand Luxembourgeois dit avoir progressé davantage dans cet exercice particulier. «J'ai déjà eu tellement de surprises avec ce gamin-là que je me dis que tout est possible», déclarait son père, Johny Schleck, un ancien coureur professionnel, au terme de l'étape du Tourmalet.

Des surprises, il y en a déjà eu à un contre-la-montre final de la Grande Boucle. Tous se souviennent de la victoire dramatique de LeMond sur Laurent Fignon, par huit secondes justement, en 1989. Mais plus récemment, en 2008, l'Espagnol Carlos Sastre avait su résister à l'Australien Cadel Evans, que tout le monde voyait s'emparer du maillot jaune.

Schleck a l'intention de se battre et jure que «la course n'est pas finie». Comme il s'est nettement rapproché de Contador à ce Tour 2010, il est raisonnable de croire qu'il s'insérera parmi les 10 premiers et ne perdra pas beaucoup plus d'une minute aujourd'hui à Pauillac. Mais pour une deuxième année de suite, il devra se satisfaire du deuxième rang au classement général.

Pour le suspense, il faudra plutôt se tourner vers la lutte pour la dernière place sur le podium. L'Espagnol Samuel Sanchez, qui a failli tout gâcher sur une chute durant l'étape du Tourmalet, aura fort à faire pour conserver sa troisième place. Pointé à 21 secondes, le Russe Denis Menchov est un véritable spécialiste. Il avait remporté un long contre-la-montre de 61,7 km lors de sa victoire au Giro 2009. Avantage Menchov.

Ryder Hesjedal cherchera à poursuivre son Tour de France de rêve. Il lui sera cependant difficile d'améliorer sa huitième place. L'Espagnol Joaquin Rodriguez, septième, a beau ne pas être un contre-la-montreur de premier ordre, il détient une avance de 2min15 sur le Canadien.

Hesjedal a été champion national en 2007. Il a aussi fini 13e du contre-la-montre final du Tour 2008. «Je crois que ce contre-la-montre encore plus long me conviendra même davantage, a-t-il dit à VeloNews après l'étape du Tourmalet. Je ne me suis jamais aussi bien senti durant tout le Tour.»

Un top 10 aujourd'hui est donc parfaitement envisageable. Mais pour rattraper Rodriguez, il devra lui prendre pas loin de trois secondes au kilomètre. C'est beaucoup.

Hesjedal sera intéressé à ce qui se passe devant lui sur la route. Le Tchèque Roman Kreuziger, neuvième, lui souffle dans le cou. Septième du contre-la-montre du Tour de Suisse 2009, Kreuziger accuse un retard de 54 secondes sur le coureur de Victoria. Le Canadien résistera et assurera son huitième rang.

AUJOURD'HUI: 19e étape, Bordeaux-Pauillac, 52 kilomètres contre-la-montre individuel: C'est plat comme une crêpe, donc à l'avantage de rouleurs puissants comme Fabian Cancellara ou Bert Grabsch. L'Écossais David Millar et l'Allemand Tony Martin seront aussi à surveiller. Jonathan Vaughters, directeur sportif de Garmin-Transitions, ne se surprendrait pas d'une «surprise folle» d'un certain coureur américain. Devinez lequel.

DEMAIN: 20e étape, Longjumeau-Paris Champs-Élysées, 102,5 km: étape en ligne la plus courte depuis plus de 20 ans. Traditionnellement réservée aux sprinteurs. Mark Cavendish paraît invincible. Mais pourquoi pas un ultime coup de force d'Alexandre Vinokourov, comme en 2005.

Le tweet du jour: George Hincapie, à son 15e Tour de France: «Je pense que j'ai compté chaque kilomètre de l'étape d'aujourd'hui. Ça a semblé une éternité. Je suis prêt pour Paris.»