Le comité organisateur des Jeux olympiques de Vancouver a formellement demandé à l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et à la GRC de lui transmettre les fruits des fouilles faites sur les athlètes et leurs entraîneurs à leur arrivée en sol canadien.

Le but de cette démarche est de débusquer rapidement les athlètes étrangers tentés d'utiliser les substances interdites par l'Agence mondiale antidopage pour améliorer leurs performances durant les diverses compétitions des Jeux d'hiver de 2010, a appris La Presse.

Le comité organisateur a fait cette demande auprès de l'ASFC et de la GRC au nom du Comité international olympique (CIO) l'an dernier, révèlent des documents obtenus par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Mais les deux organismes hésitent toujours à se plier à cette demande, craignant que cela puisse contrevenir aux lois canadiennes visant à protéger les renseignements personnels.

«À l'heure actuelle, la question est encore à l'étude», a confirmé hier à La Presse Tracie Leblanc, porte-parole de l'ASFC.

«Les responsables de la Sécurité publique, de la GRC, de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), de Sport Canada et du Comité d'organisation de Vancouver (COVAN) se rencontrent depuis les deux dernières années afin de déterminer la meilleure voie à emprunter pour appuyer des Jeux exempts de drogues par le biais d'une stratégie antidopage compréhensive et efficace», a-t-elle ajouté.

Les douaniers peuvent saisir des substances illicites comme de la marijuana ou de la cocaïne à la frontière, mais ils n'ont pas le pouvoir de confisquer certaines des substances interdites par le CIO qui permettent à un athlète d'améliorer ses performances.

Dans une note d'information destinée au ministre de la Sécurité publique, Peter Van Loan, le président de l'ASFC, Stephen Rigby, affirme que la Loi sur les douanes impose des limites au partage de renseignements personnels.

«Il existe des obstacles législatifs relativement au partage d'informations obtenues par les services douaniers», écrit M. Rigby dans cette note datée du 29 septembre 2008.

Dans le cas de la GRC, la Loi sur la protection des renseignements personnels lui interdit de divulguer des renseignements qui pourraient nuire à la vie privée d'un individu qui n'a aucun dossier criminel.

Mais M. Rigby ajoute qu'il existe des précédents internationaux d'échanges d'informations entre les autorités d'un pays hôte d'une manifestation sportive de grande envergure et les agences sportives pour combattre l'utilisation de substances interdites dans le sport.

«Bien que les présentes lois canadiennes restreignent le partage d'informations colligées par les ministères fédéraux et les diverses agences, il existe des précédents importants à l'échelle internationale au sujet de l'utilisation de mécanismes de partage d'informations et de collaboration entre les gouvernements et les agences sportives», affirme M. Rigby.

Protéger la vie privée

Mais la commissaire à la protection de la vie privée du Canada, Jennifer Stoddart, estime que l'ASFC ne peut se livrer à de telles activités. Mme Stoddart a d'ailleurs envoyé en mai une lettre au président de l'ASFC dans laquelle elle rappelle les obligations de l'agence gouvernementale en matière de respect des renseignements privés.

«Les responsables de l'Agence des services frontaliers ont communiqué avec nous pour connaître notre opinion au sujet du partage d'informations personnelles. Nous les avons fortement découragés d'aller dans cette direction», a indiqué hier Anne-Marie Hayden, directrice des communications au bureau du commissariat à la protection de la vie privée.

L'article 8.1 de la Loi sur la protection des renseignements personnels stipule que «les renseignements personnels qui relèvent d'une institution fédérale ne peuvent être communiqués, à défaut du consentement de l'individu qu'ils concernent». Il existe de rares exceptions permettant la divulgation de ces renseignements, mais selon les experts du commissariat à la vie privée, la tenue des Jeux olympiques n'en ferait pas partie.

Une pratique de plus en plus répandue

À Vancouver, le directeur de la section antidopage du COVAN, Jeremy Luke, a soutenu que les organisateurs entendent travailler de concert avec les autorités canadiennes pour lutter contre le dopage durant les Jeux.

«Le COVAN est fondamentalement opposé au dopage dans le sport et travaille en collaboration avec ses multiples partenaires pour des Jeux de 2010 sans dopage. À titre de partenaire-clé, le leadership et l'engagement du gouvernement du Canada envers les enjeux liés au dopage sont essentiels pour permettre au COVAN d'atteindre cet objectif», a dit M. Luke.

À l'Agence mondiale antidopage, le responsable principal des relations avec les médias, Frédéric Donzé, a indiqué hier que le partage des informations entre des agences gouvernementales et les organisations de manifestations sportives pour lutter contre le dopage dans les compétitions est de plus en plus monnaie courante.

«C'est une pratique qui se fait de plus en plus. C'est une tendance qui est en croissance en matière de lutte contre le dopage. L'Australie est le pays qui est le plus avancé dans ce domaine. Dans ce pays, l'agence antidopage est une agence fédérale qui échange des informations avec les douanes en Australie. L'agence antidopage a détecté plus d'une dizaine de cas de dopage sur la base des informations qui lui ont été transmises par les douanes australiennes», a indiqué M. Donzé.

M. Donzé n'a toutefois pas voulu se prononcer sur la requête du comité organisateur des Jeux de Vancouver de 2010, estimant qu'il s'agit d'une question qui relève de la compétence du Comité international olympique.

- Avec la collaboration de William Leclerc