Le jour où l'on créera des super-athlètes grâce au dopage génétique n'est pas si lointain, avancent avec inquiétude quelques observateurs. Tricherie dernier cri? Des chercheurs québécois en génétique y voient plutôt un scénario de science-fiction,

«On dénombre aujourd'hui jusqu'à 200 gènes liés de près ou de loin à la performance sportive», indique Louis Pérusse, chercheur en génétique à l'Université Laval.

 

Imaginez si l'on pouvait, à l'aide de modifications génétiques, améliorer le transport de l'oxygène, augmenter les capacités cardiaques, optimiser le développement des fibres musculaires et mieux gérer l'énergie métabolique. Les possibilités pour les athlètes seraient alors immenses, non?

Louis Pérusse est très sceptique. Son collègue Claude Bouchard et lui sont les instigateurs d'une carte génétique de la performance sportive. À l'aide d'une équipe internationale, ils font une recension exhaustive de la littérature scientifique sur la génétique et la performance sportive. La carte est mise à jour et publiée tous les deux ans dans la revue Medicine&Science in Sports&Exercice.

Plusieurs recherches menées avec des souris ont donné des résultats spectaculaires sur la modification des gènes ou, indirectement, la manipulation de molécules exogènes liées aux gènes. En 2007, des chercheurs de l'Université de Cleveland ont obtenu une «super-souris» en surexprimant l'enzyme PEPCK-C associée à la production d'énergie, indique le magazine Sciences et Avenir. Le résultat? Une souris capable de franchir 6 km à 20 mètres/minute. Normalement, elle ne peut tenir plus de 200 mètres à cette vitesse!

«Il n'est pas envisageable à ce jour de transposer à l'humain les découvertes faites chez l'animal, affirme Louis Pérusse. Je crois que la manipulation des gènes pour améliorer la performance sportive est peine perdue. Les gènes en cause sont trop nombreux et ils n'ont pas tous le même potentiel.» Sans compter que la performance sportive n'est pas qu'affaire de gènes, ajoute-t-il.

La thérapie génique est loin d'être au point, précise Christiane Ayotte, directrice du Laboratoire de contrôle du dopage de l'INRS-Institut Armand-Frappier. Il y a encore trop de risques et d'effets secondaires mal maîtrisés. Le dopage génétique n'est donc pas pour demain, mais on y travaille. Est-ce que des athlètes vont l'essayer quand ce sera possible? Bien sûr. Il y aura toujours un bandit pour faire un coup d'argent.»

«C'est inévitable, les athlètes chercheront toujours ce qui les aidera à repousser leurs limites. Certains n'hésiteront pas à franchir la ligne éthique», indique David Pearsall, du Laboratoire de recherche sur le hockey sur glace de l'Université McGill. Cette quête ne date pas d'hier: même les premiers athlètes olympiques ont cherché à augmenter leur puissance au buvant des décoctions d'herbes, souligne-t-il.

«En Russie, il serait aujourd'hui possible de se doper avec un médicament de thérapie génique, le Repoxygen», indique-t-on dans Sciences et Avenir. Le coût: 15 000$. Le médicament a été conçu pour traiter l'anémie, mais les essais sont demeurés au stade préclinique, précise l'article. Le Repoxygen induit un gène supplémentaire de l'EPO pour augmenter la production de globules rouges. Les tests sur les animaux, dont plusieurs ont dû être euthanasiés, ont jusqu'à maintenant été très décevants.

L'avènement de la sélection génétique, qui se ferait déjà au Japon et en Australie, est plus plausible. On cible de jeunes athlètes prometteurs dotés de gènes liés à la performance. «Quand on aura un catalogue plus complet, on pourra essayer d'évaluer le potentiel génétique d'un jeune athlète et l'amener à de hauts niveaux», avance Louis Pérusse, peu convaincu.

Pourquoi étudier la génétique sportive? «En identifiant les gènes, on peut mieux comprendre comment fonctionne la machine humaine. Si on sait comment le coeur ou les muscles s'adaptent à l'effort, on pourra mettre au point des programmes d'entraînement plus adéquats», conclut le chercheur.