Une chance qu'elles sont là. Les femmes, je veux dire.

Si le Canada devait s'en remettre seulement à ses athlètes masculins pour s'approprier le podium, l'humeur du pays serait plutôt sombre ces jours-ci. Les gars ont remporté trois médailles jusqu'ici. Les filles? Douze, voire 13 si Joannie Rochette est montée sur le podium, hier soir.

En excluant le titre partagé par Scott Moir et Tessa Virtue en danse sur glace, cela signifie que 80% des médailles canadiennes ont été remportées par des femmes pendant les 14 premiers jours des Jeux de Vancouver. Alexandre Bilodeau, en bosses, Mike Robertson, en snowboard cross, et Jon Montgomery, en skeleton, sont les seuls médaillés masculins.

Et ce n'est pas fini pour les Canadiennes. Le quatuor de Cheryl Bernard est déjà assuré d'une médaille d'argent en curling. En longue piste, Christine Nesbitt, Kristina Groves et Brittany Schussler sont favorites pour gagner l'or en poursuite par équipe. Et qui sait si Kalyna Roberge, Jessica Gregg ou Tania Vicent ne sortira pas un lapin de son chapeau dans le 1000 m courte piste, ce soir.

Bien sûr, les garçons vont avoir la chance de faire leur part. Sidney Crosby et sa bande sont désormais les favoris du tournoi de hockey. Le planchiste Jasey-Jay Anderson est en droit d'espérer une médaille en slalom géant parallèle, la dernière épreuve olympique de sa brillante carrière. François-Louis Tremblay et Charles Hamelin pourraient partager le podium du 500 m courte piste et ajouter une médaille en relais. Et Kevin Martin s'en va en finale au curling.

Quand même, les femmes canadiennes dominent. Des surhommes, si on ne craignait pas un peu de sonner comme Claude Mailhot. Et ce n'est pas nouveau. À Turin, en 2006, elles avaient gagné 15 médailles, contre neuf pour les hommes. Pourquoi? La question a été posée à Clara Hughes, hier, 24 heures après qu'elle eut gagné la sixième médaille olympique de sa carrière.

«Il est évident qu'au Canada, le sport féminin est soutenu exactement comme le sport masculin, ce qui n'est pas le cas dans certains autres pays, a-t-elle dit. Si j'ai pu gagner six médailles, c'est parce que je suis canadienne et que le Canada est un bon pays pour être une athlète féminine.»

Au financement équitable de la part des bailleurs de fonds comme Sport Canada et À nous le podium s'ajoute le fait que la société canadienne, dans l'ensemble, est ouverte à la pratique par les filles d'une grande variété de sports. «Le Canada a une belle culture sportive qui encourage les filles à pratiquer toutes sortes de sports», soulignait hier la patineuse de vitesse courte piste Tania Vicent. «Je crois que c'est ce qui explique qu'on performe bien. Nous avons les ressources nécessaires pour bien performer.»

Mais il ne faut pas se bercer d'illusions. Comme l'a souligné Hughes hier, avec une franchise qui l'honore, il y a beaucoup plus de profondeur dans le sport masculin. «Dans plusieurs sports, notamment les sports d'endurance, il faut beaucoup plus de ressources et de temps pour développer un athlète (masculin), a-t-elle dit. En vélo ou en patinage de vitesse, un top 10 chez les garçons est une performance exceptionnelle, surtout pour des Nord-Américains. Prenez le ski de fond: des quatrième, sixième, huitième ou neuvième places, ce sont des résultats phénoménaux. Malheureusement, ils ne sont pas appréciés autant parce qu'il n'y a pas de médailles.»

Cela ne veut pas dire que les médailles dans les sports féminins sont sans valeur. Quand Hughes puise au fond de ses ressources pour se rendre au bout d'un épuisant 5000 m, elle mérite à 100% sa médaille, fruit de longues années d'efforts pour peaufiner sa technique et affûter sa forme physique. Idem pour Ashleigh McIvor en ski cross ou Jenn Heil en bosses.

Mais le niveau moyen de la compétition est plus élevé chez les garçons et il y a tout simplement plus d'aspirants possibles au podium. Il n'est donc pas surprenant qu'un pays égalitariste comme le Canada finisse par connaître plus de succès chez les femmes.

Il y a une autre explication, bien sûr, comme s'est chargée de nous le rappeler Tania Vicent, sourire en coin. «Nous, (les filles) on est capables de faire plusieurs choses à la fois!»

Touché.

La générosité continue

Vingt-quatre heures après qu'Alexandre Bilodeau et Jenn Heil eurent donné 25 000$ à des causes qui leur sont chères, Clara Hughes a annoncé hier qu'elle fera don du boni de 10 000$ versé par le Comité olympique canadien pour sa médaille de bronze. L'argent ira à la Fondation Take a Hike, un organisme de Vancouver qui aide les jeunes en difficulté. Rien de nouveau pour Hughes, qui avait donné 10 000$ à Right to Play après sa victoire dans le 5000 m aux Jeux de Turin.

On se prend à rêver que Sidney Crosby et ses 22 coéquipiers soient aussi généreux s'ils gagnent une médaille ce week-end...