S'asseoir devant une salle bondée ou une salle vide.

Ils sont arrivés aux Jeux avec les mêmes espoirs. Ils ont fait les mêmes sacrifices. Leurs parents, leur blonde ou leur chum, en ont fait souvent autant.

Mais au lendemain de son épreuve, l'un va être accueilli par une ovation dans une salle remplie de journalistes des grands médias du Canada et des États-Unis.

Et l'autre fera son entrée dans une salle aux trois quarts vide. On peut compter sur les doigts d'une main les journalistes de son coin de pays venus l'entendre.

J'ai eu un aperçu de toute la beauté, en même temps que de la fragilité du rêve olympique, en couvrant les conférences de presse d'Alexandre Bilodeau et de Dominique Maltais au lendemain de leur performance respective.

Le skieur acrobatique de 22 ans est devenu la nouvelle coqueluche du Canada après avoir remporté la première médaille d'or à domicile. Il ne réalisait pas encore l'ampleur de sa victoire. «Je vais me retrouver dans le jeu Trivial Pursuit», disait-il à la blague devant une foule conquise.

La seconde, l'air grave, a décrit «la pire journée» de sa carrière d'athlète. Après avoir gagné le bronze aux derniers jeux d'hiver, Dominique Maltais rêvait de réitérer l'exploit de Turin. Elle a plutôt été éliminée en tombant au début de la compétition.

Au-delà des résultats, le même truc m'a sauté aux yeux chez ces deux athlètes.

J'ai recroisé Alexandre plus tard durant les Jeux. Il était cerné, l'air fatigué, encore pris dans le tourbillon médiatique. Je lui ai parlé de sa famille. Ses yeux sont devenus pétillants.

Deux jours après sa victoire, sa soeur, Béatrice, 16 ans, lui a dit sans détour: «J'ai peur de perdre mon grand frère». Ça l'a secoué. Donne-moi une petite claque derrière la tête la prochaine fois que tu auras l'impression que je m'éloigne, lui a-t-il fait jurer.

Puis il m'a raconté sa fierté de voir les peintures de son frère, Frédéric, atteint de paralysie cérébrale, publiées à la une du quotidien The Globe and Mail. Ce frère qui aurait «toutes les raisons de se plaindre dans la vie, mais qui garde le sourire».

Personne ne doit se mettre entre moi et ma famille, m'a dit l'athlète de 22 ans, prenant son air sérieux. Gagne ou perd.

Le père de Dominique Maltais, Gérald, m'a confié à peu près la même chose. Sa fille l'a appelé tout de suite après son élimination. «Excuse-moi, papa», a-t-elle dit. La réponse du papa ému: Aucune raison de s'excuser quand on poursuit un rêve.

Après sa médaille d'or à ses quatrièmes et derniers jeux, le planchiste Jasey-Jay Anderson de Mont-Tremblay l'a résumé de belle façon. «Cette médaille-là ne fait pas de moi un meilleur homme. Je l'échangerais n'importe quand si mes filles tombaient malades, a dit le père de Jy, 3 ans et Jora, 4 ans. J'ai l'essentiel: une famille en santé. Aujourd'hui, c'est comme une bonne journée au bureau.»

Gagne ou perd, la famille est là, fière du chemin parcouru. Debout en retrait dans une salle remplie de journalistes ou dans une salle aux trois quarts vide.