Un accident mortel est venu assombrir le début des Jeux olympiques, hier. La dangerosité de la piste de luge avait déjà été soulevée auparavant. Une enquête sur la mort du lugeur Nodar Kumaritashvili est en cours. En attendant les résultats, bien des questions demeurent.

Les Jeux olympiques de Vancouver ont connu un début funeste, hier. Plutôt que des images d'athlètes souriants venus des quatre coins de la planète à la cérémonie d'ouverture, le monde retiendra celles, à glacer le sang, du jeune lugeur géorgien qui s'est tué lors d'une descente d'entraînement à 140 km/h.

La dangerosité de cette piste de luge, considérée comme la plus rapide jamais construite, avait déjà été soulevée avant cet accident tragique. L'image du Canada pourrait même être ternie si l'on en croit l'influent réseau américain de sports ESPN.

Plus tôt cet hiver, les Américains s'étaient plaints du fait que l'équipe canadienne avait restreint l'accès à la piste avant les JO, question de préserver son avantage compétitif. «À la lumière de ce décès, le Canada sera critiqué sans aucun doute (...). Les athlètes auraient eu besoin de plus d'heures d'entraînement pour que la piste leur devienne familière», a écrit ESPN, hier, sur son site internet.

Il y a quelques jours, l'entraîneur des lugeurs canadiens, Wolfgang Staudinger, avait d'ailleurs tourné en ridicule la critique des Américains. «Il y a beaucoup de rumeurs, mais je pense que nous serions bien bêtes de ne pas profiter de l'avantage d'évoluer à domicile et je pense même que nous aurions pu en profiter un peu plus», avait-il déclaré, refusant de qualifier la piste de dangereuse.

La piste consiste en un enchaînement de 16 virages qui se succèdent sur 1374 m. Un lugeur a frôlé les 154 km/h l'hiver dernier. Avant l'accident, le bobeur américain Steven Holcomb avait même surnommé l'un des virages «50-50» parce qu'il estimait à une sur deux les possibilités d'en sortir sans accident.

L'épreuve de luge consiste à descendre les pieds devant une portion de cette piste glacée et sinueuse. L'athlète est protégé par un simple casque.

Le lugeur Nodar Kumaritashvili, 21 ans, approchait du dernier virage lorsqu'il a été éjecté de la piste et a heurté de plein fouet un poteau métallique. Il était inconscient et avait le visage en sang à l'arrivée des secouristes, qui ont tenté en vain de le ranimer.

Les entraînements ont immédiatement été interrompus. Le Bureau du coroner de la Colombie-Britannique et la Gendarmerie royale du Canada feront enquête sur la mort du lugeur, a confirmé le Comité d'organisation des Jeux olympiques de Vancouver (COVAN) par voie de communiqué en soirée. Cette enquête s'ajoute à celle de la Fédération internationale de luge. Le COVAN prévoit faire un point de presse aujourd'hui pour plus de détails.

Plusieurs chutes sur cette piste

Ce n'était pas la première chute sur cette piste. Plus d'une douzaine d'athlètes y ont eu un accident depuis le début des entraînements, dont le favori pour remporter l'or, l'Italien Armin Zoeggeler. Une athlète roumaine a dû être hospitalisée pendant quelques heures la veille après avoir heurté le mur plusieurs fois.

Il n'y a pas que les Américains qui sont inquiets. Les Français aussi. «En luge, il y a des erreurs techniques, des chutes. Cela fait partie du sport, mais la sortie de piste est le problème. Jamais on ne doit sortir de la piste. Il nous faut comprendre. Nous verrons après les conclusions de la commission d'enquête», a indiqué l'entraîneur d'un lugeur français, Yann Fricheteau.

La voix nouée par l'émotion, l'air grave, le président du Comité international olympique, Jacques Rogge, était «à court de mots». «Toute la famille olympique est bouleversée par cette tragédie qui vient assombrir ces Jeux», a-t-il dit devant une salle bondée de journalistes, au centre des médias de Vancouver.

La compétition de luge se déroulera-t-elle comme prévu aujourd'hui? Les athlètes ont-ils raison de s'inquiéter de la sûreté de la piste? Autant de questions auxquelles le président du CIO a offert la même réponse: «Une enquête est en cours. Ce serait prématuré de répondre à ces questions.»

«C'est un terrible accident. La chose la plus grave qui puisse arriver en sport», a affirmé pour sa part le président de la Fédération internationale de luge, Josef Fendt.

En 2006 à Turin, la piste était tellement dangereuse que sa fédération ainsi que celle de bobsleigh avaient demandé aux concurrents les moins expérimentés de renoncer à participer. «La santé et la sécurité de nos athlètes sont plus importantes que d'établir des records», a déclaré M. Fendt. Il songe d'ailleurs à imposer des limitations de vitesse aux constructeurs des nouvelles pistes.

À Whistler, un an avant les Jeux, les lugeurs ainsi que les pilotes de skeleton et de bobsleigh qui avaient pu essayer la piste l'avaient qualifiée d'«exigeante». «Cette piste ne tolère aucune faute de concentration», selon le lugeur allemand Patric Leitner, champion olympique 2002 en biplace.

- Avec le New York Times, L'Équipe, ESPN, AFP 

Photo: AFP

Inconscient et le visage en sang, Nodar Kumaritashvili a été pris en charge immédiatement par les secouristes qui ont tenté en vain de le ranimer.