Invitée surprise aux derniers Jeux olympiques de Turin, où elle a vécu une grande frustration, Kalyna Roberge s'annonce cette fois comme la patineuse canadienne à surveiller sur courte piste à Vancouver.

L'athlète de 23 ans participera aux trois épreuves individuelles en plus du relais. Le 500 mètres sera son épreuve de prédilection et elle compte bien ne pas rater sa chance, a-t-elle raconté dans une entrevue à La Presse au milieu de la saison de Coupe du monde. Ses départs améliorés et la confiance seront les clés. 

Kalyna Roberge ne se souvient pas avoir vu Marc Gagnon gagner ses médailles aux Jeux olympiques de Salt Lake City. Âgée de 15 ans en 2002, elle avait probablement d'autres préoccupations, même si sa carrière en patinage de vitesse courte piste était déjà bien entamée. Membre du club de Saint-Étienne-de-Lauzon, sa ville natale, elle rêvait vaguement aux Jeux de 2010.

Elle a donc été renversée quand, lors d'un camp à Chicoutimi en 2004, Guy Thibault, l'entraîneur national de l'époque, lui a plutôt recommandé de considérer les Jeux de Turin, un an et demi plus tard. Cette athlète dont il n'avait jamais entendu parler venait de péter le feu à des tests de puissance sur vélo stationnaire.

«Je lui avais dit: «Avec l'engin que t'as, il faut que tu vises plus haut!» se souvient Thibault. Elle arrivait de nulle part et déjà, elle battait la moitié des membres de l'équipe canadienne. Quand tu vois le score, tu te dis: wow, ça vient d'où, ça? Sait-elle patiner? Quand j'ai vu son coup de patin, j'ai su qu'elle avait ça dans le sang aussi. Ce n'était pas une question d'années, mais de mois avant qu'elle ne monte les échelons.»

Comme de fait, la saison suivante, Roberge n'avait pas 18 ans qu'elle faisait ses débuts sur le circuit de la Coupe du monde. Un an plus tard, elle figurait déjà parmi les favorites aux sélections olympiques. Première au classement du 500 mètres, elle n'a cependant pu se faire justice sur les deux autres distances, un claquage à la cuisse l'arrêtant à mi-parcours.

Le 500 m a donc été sa seule épreuve individuelle à Turin. Elle y a fini quatrième, stoppée par une vague demi-finale particulièrement relevée. Pendant ce temps, sa compatriote Anouk Leblanc-Boucher décrochait le bronze.

Quatre ans plus tard, Roberge admet que la pilule a été difficile à avaler. Leblanc-Boucher a accepté les honneurs sans jamais reconnaître qu'elle avait profité d'un parcours plus facile, prétend Roberge. Les deux coéquipières ont néanmoins uni leurs efforts pour gagner l'argent au relais.

Sa revanche, Roberge l'a obtenue le mois suivant en allant chercher le bronze devant Leblanc-Boucher aux Mondiaux de Minneapolis. Les frictions entre les deux patineuses ont alors atteint leur paroxysme. «Il y a eu des chicanes à cause de ça, raconte Roberge. Il fallait supposément que je la laisse passer parce que c'est elle qui avait fait la finale aux Jeux. Mais il n'en était pas question parce que je voulais prouver que c'est moi, justement, qui la méritais cette place-là.»

Roberge n'a évidemment pas pleuré quand Leblanc-Boucher, enceinte, s'est retirée la saison suivante. Une blessure et une deuxième grossesse ont par ailleurs contrecarré les plans de la colorée patineuse de revenir à la compétition. Leblanc-Boucher a quand même demandé une autorisation pour participer aux sélections olympiques de Vancouver, en août dernier, que lui a refusée la Fédération canadienne.

Soulignant l'esprit d'équipe qui règne aujourd'hui dans le groupe des patineuses canadiennes, Roberge affirme qu'une telle dispute ne risque pas de se reproduire le mois prochain à Vancouver: «Si ça arrive à Marianne (St-Gelais de monter sur le podium), je vais être contente pour elle.»

Attendue sur 500 m

Qualifiée sur les trois distances individuelles, Roberge sera particulièrement attendue au 500 m, épreuve qui lui a valu un titre mondial en 2007. Au classement de la dernière saison de Coupe du monde, elle pointe au deuxième rang.

Sans sacrifier les 1000 et 1500 m, l'entraînement a été particulièrement axé sur la plus courte distance, année olympique oblige. «On reste général, mais on a un peu orienté ses efforts pour aller chercher de la vitesse», explique Sébastien Cros, entraîneur-chef de l'équipe féminine.

Curieusement, à 105 livres, la patineuse de 23 ans n'a pas le physique de l'emploi au 500 m face à des rivales plus costaudes comme la Chinoise Meng Wang, championne mondiale. Dans une course où tout se joue sur les premiers mètres, Roberge a consacré beaucoup d'énergie à ses départs. Cros reste vague, mais il estime que son élève a fait beaucoup de progrès en modifiant ses premiers appuis et en améliorant la force de ses muscles stabilisateurs. «Je trouve que ça fait une bonne différence», dit-il.

Reconnue pour son style fluide et sa pointe de vitesse, Roberge a tout ce qu'il faut pour réussir à Vancouver. Pour l'heure, Sébatien Cros s'évertue à mettre sa douée patineuse en confiance, une facette qui lui a parfois défaut au cours des deux dernières années. «On dit que le corps et l'esprit doivent ne faire qu'un. Chez elle, c'est vraiment, vraiment vrai», souligne-t-il.

Pour y arriver, l'entraîneur français a fait ce qu'il appelle un «contrôle des réalités» avec sa patineuse au terme de la saison de Coupe du monde. Ainsi, il lui a souligné qu'elle venait de disputer les quatre compétitions les plus difficiles de sa carrière compte tenu du nouveau format des épreuves. Il a ensuite comparé ses récents résultats à ceux des trois derniers Championnats du monde. Or, systématiquement, Roberge n'était qu'à un demi-ton de ses meilleures performances à vie.

«La seule différence: elle est une couche en dessous au chapitre de la confiance, souligne Cros. Ce n'est pas l'entraînement, ce n'est pas la technique. Elle en est consciente.»