Il fut une époque pas si lointaine où être associé à Tiger Woods n'aurait pas provoqué une telle cascade de rires étouffés. Mais tout le monde avait compris qu'Alexa Loo ne pensait qu'au sport quand elle a comparé le champion golfeur déchu à son coéquipier Jasey-Jay Anderson.

À 34 ans et au crépuscule d'une carrière de plus de 15 ans dans le surf des neiges, Anderson continue de dominer sa discipline de la tête et des épaules. Mercredi, le planchiste de Mont-Tremblant a remporté une 26e épreuve de Coupe du monde, s'imposant au slalom géant en parallèle de Kreischberg, en Autriche.

Bon prince, Anderson s'est amusé de l'analogie un peu maladroite de sa compatriote Loo, gagnante de la médaille d'argent dans l'épreuve féminine. «Tiger Woods est un athlète exceptionnel», a rappelé le quintuple champion mondial lors d'une conférence téléphonique avec les journalistes canadiens. «Je ne veux même pas commencer à me comparer à lui parce qu'on n'est vraiment pas dans la même ligue. Dans mon petit sport, dont j'ai appris et retiré beaucoup, j'ai adoré mon expérience et je ne l'échangerais pas pour tout l'or du monde, ni les milliards de Tiger Woods.»

Déjà vainqueur de la Coupe du monde précédente, disputée en décembre au Colorado, Anderson a surmonté un retard de 56 centièmes pour s'imposer lors de l'ultime manche en finale face à l'Autrichien Andreas Prommegger.

Après avoir travaillé comme un forcené à solutionner des problèmes matériels qui l'affligent depuis plusieurs années, au point où il a souvent songé à raccrocher, Anderson croit avoir enfin déniché la formule gagnante. Le système de fixations a été particulièrement amélioré. À ses yeux, cela fait toute la différence du monde : «J'ai toujours dit que c'est l'équipement. C'est plus vrai que jamais. Je n'ai jamais été aussi bien entouré, je ne me suis jamais aussi bien senti. Quand j'embarque sur ma planche, je me sens tellement bien. C'est magique.»

Sur l'exigeant parcours de Kreischberg, le Québécois, l'esprit libéré, dit s'être «épaté» lui-même et avoir «dansé» comme jamais sur sa planche : «Tu ne retrouves jamais de telles conditions à l'entraînement. Parfois je me disais : wow! j'en reviens que ça ait passé! C'est une expérience vraiment inoubliable pour moi. Je pourrais prendre ma retraite là et je serais un homme très rassasié.»

Avec rien de moins que 58 podiums en 205 départs de Coupe du monde, on le comprend. Mais Anderson n'a pas besoin de se le faire rappeler: en trois présences aux Jeux olympiques, il n'a jamais connu le succès. Sans en faire une maladie, il espère conjurer le mauvais sort sur les pentes de Cypress, le 27 février prochain, la veille de la cérémonie de clôture des Jeux de Vancouver.

«J'imagine que je suis sur la bonne voie. J'espère seulement que je suis en train de brûler mes cartouches trop tôt», a relevé le nouveau leader du classement alpin en Coupe du monde.

Anderson a sa propre recette pour éviter cet écueil. Il savoure son dernier voyage de compétitions en Europe, il se vide l'esprit sur son vélo de route, il reste vigilant, il évite de s'emporter devant le succès. Et il rigole quand on le compare à Tiger Woods.