On entend souvent qu'un athlète de pointe doit sacrifier beaucoup pour être au meilleur de sa forme et atteindre le sommet. Alors, comment faire quand on a plusieurs chapeaux à porter?

Jasey-Jay Anderson, un oiseau rare dans le monde du sport canadien, est bien placé pour répondre à la question. L'athlète de 34 ans est à la fois père de Jy, 3 ans, et Jora, 4 ans, multiple champion du monde de surf des neiges - qui est son propre technicien - et propriétaire d'une bleuetière. On lui a demandé comment il jonglait avec ses multiples vies.

La priorité

Pour Jasey-Jay, la question ne se pose pas. «J'ai besoin de chaque volet de ma vie, mais il n'y a rien de plus important que la famille, tranche-t-il. Je me fais une fierté d'être un exemple pour mes filles. Je m'assure de leur montrer les belles choses de la vie et de leur faire vivre de belles expériences. En tant qu'athlète, j'adore les sports en général. Mes petites filles sont déjà très actives. C'est important de canaliser leur énergie dans quelque chose de productif.»

Manon, l'alliée indispensable

Sans Manon Morin, sa blonde de toujours, Jasey-Jay sait qu'il n'y arriverait pas: «Manon m'encourage à 100 pourcent. Elle est indispensable. Elle comble tous les besoins. Elle est disponible et fait beaucoup de sacrifices.»

La principale intéressée n'y voit rien d'exceptionnel. «J'essaie de ne pas trop lui en mettre sur les épaules, explique-t-elle. Même s'il revient de voyage, je ne changerai pas de routine. Je reste aussi présente auprès des enfants. Je ne lui dis pas: OK, occupe-toi des petites! J'en connais qui le font, mais je ne me sentirais pas bien là-dedans. Les petites ont beau être merveilleuses, elles sont accaparantes. Lui a beau s'ennuyer, il n'est pas habitué à leur énergie et à leur excitation. Il a aussi plein de choses à faire quand il revient: le gym, les retours d'appels, de courriels. Jamais je ne lui en veux pour ça.»

Joindre l'utile à l'agréable

Depuis 2003, la famille Anderson exploite une bleuetière de quatre acres sur leur terre de Lac-Supérieur. «C'est six mois de travail», calcule Manon. En cet exceptionnel été préolympique, elle s'en est occupé toute seule. Jasey-Jay, lui, allait reconduire les filles à la prématernelle trois matins par semaine. Le reste du temps, il joignait l'utile à l'agréable. «L'été, je fais un sport à chaque jour, explique le planchiste. Randonnées, vélo de route, vélo de montagne, cross training. Il y a une belle piste cyclable à Mont-Tremblant: j'y vais en patin à roues alignés et je pousse les enfants dans un chariot. Je les tire aussi en vélo. Parfois, je grimpe la montagne avec elles dans un sac à dos. Je les laisse marcher, courir. On va aussi au lac pour se baigner. J'essaie de garder les choses variées. C'est important pour un athlète d'être polyvalent.»

Le plus difficile

Les longs voyages, sans l'ombre d'un doute. Jasey-Jay essaie de limiter ses séjours à l'extérieur de la maison à deux semaines. Cet hiver, pas contre, il n'a pu éviter un voyage de trois semaines en Europe. «À la fin, les petites réclamaient papa», dit Manon. Après quelques tentatives infructueuses, les conversations par webcam ont été abandonnées. La technologie était trop frustrante et inefficace. Quand il appelle, Jasey-Jay veut un compte-rendu détaillé de la journée. «Il ne parle presque pas de lui, dit Manon. Quand il raccroche, il faut vraiment qu'il fasse une coupure entre les deux mondes.» Jasey-Jay confirme: «C'est toujours très pénible. Il faut vraiment que je dissocie.»

Le sommeil

Père de famille, ce n'est généralement pas la meilleure façon d'accumuler les heures de sommeil. Pour un athlète de pointe, ce ne doit pas être idéal. Le repos, il fait comment? «Je dors toujours bien, même si des fois, c'est moins que d'autres. Comme je suis toujours à picosser sur mon équipement, les nuits de quatre-cinq heures ne sont pas rares. C'est la vie, il y a bien pire. Je suis capable de fonctionner avec un minimum de sommeil. En approchant des compétitions, j'essaie de bien entretenir mon corps. Je m'assure de mieux gérer mon horaire et je diminue ma charge de travail.»

Un papa populaire

Un papa champion du monde, c'est bien, mais il faut aussi le partager. Avec le public, les journalistes. La veille d'une compétition, les parents préparent les filles à ce qui s'en vient. «C'est drôle, elles comprennent bien des choses, dit Manon. À la Coupe du monde de Stoneham, elles n'insistaient pas, elles attendaient leur tour.»

Manon, Jy et Jora passeront quatre jours à Vancouver pour assister aux derniers Jeux olympiques de papa Jasey-Jay. Manon, rompue à la folie de l'horaire olympique, sait déjà une chose: «Ah! on le verra pas!»