À qui appartiennent les abonnés Twitter? C'est à cette question inédite qu'un juge de la Cour supérieure pourrait être appelé à répondre, à la suite du dépôt hier d'une poursuite de près de 100 000$ entre deux ex-conjoints et associés.

Selon les documents déposés au palais de justice de Montréal, le couple, Michel Lewis et Valérie Durand, a travaillé ensemble entre 2010 et 2013 à la production de films pour adultes. M. Lewis était actionnaire majoritaire et seul administrateur de la firme, Productions MBP, basée à Westmount. Mme Durand, toujours identifiée comme actionnaire minoritaire au Registre des entreprises, utilisait le nom de scène de «Camille Crimson».

Les vidéos produites étaient mises en ligne sur un site internet auquel des abonnés avaient accès, moyennant paiement.

Mots de passe et nom changés

À l'automne 2013, le couple s'est séparé. Or, selon la version de M. Lewis, qui a déposé la poursuite, son ex-conjointe aurait changé «subitement» les mots de passe des comptes Twitter et Instagram. Elle contrôlerait toujours ces deux comptes, selon la poursuite.

On lui reproche en outre d'avoir modifié «unilatéralement le nom du compte Twitter pour s'approprier les 17 000 followers [abonnés] qu'il comportait. Elle aurait en outre continué à solliciter les anciens clients en utilisant le nom de Camille Crimson qui, selon M. Lewis, appartient à MBP.

«On ne se dispute pas la paternité des abonnés Twitter: on parle ici d'un associé qui est parti avec du stock qui appartenait à la compagnie, précise en entrevue Michel Lewis. La compagnie veut ravoir ce qui lui appartient, notamment l'accès à ses comptes Twitter, Instagram et Flickr.»

«Survie en péril»

Le compte Twitter de l'ex-associée annonce maintenant qu'elle a «dû changer de nom, de Camille Crimson à Chloé Morgane», «ce qui porte préjudice à MBP et lui fait perdre des clients», affirme la poursuite. Le fait de continuer à solliciter les 17 000 abonnés Twitter est dénoncé comme «une pratique répréhensible» et de la «concurrence déloyale» qui auraient fait baisser le chiffre d'affaires de MBP.

Dans un premier temps, l'avocat de M. Lewis demande une injonction interlocutoire, estimant que la survie de l'entreprise, dont le chiffre d'affaires de 500 000$ a baissé de 50% en un an, «est en péril». On estime même que «MBP pourrait ne pas survivre jusqu'au jour du procès».

Sur le fond du dossier, on réclame à l'ex-associée la somme de 94 975,29$, on lui demande de ne plus utiliser le nom de Camille Crimson et de détruire toute liste de courriels ou de noms de clients qu'elle a pu garder.

La requête sera présentée formellement devant le tribunal le 31 octobre. Il n'a pas été possible de parler à Mme Durand. Sur son blogue, elle affirme avoir procédé à un partage de l'entreprise lors de sa séparation avec M. Lewis: lui gardait le site internet et elle, le nom de scène de Camille Crimson. Elle explique en outre que leur relation s'est envenimée après deux publications controversées sur Facebook.