L'adresse n'est pas clairement indiquée. La peinture est à peine terminée. Et pourtant, c'est dans ce modeste loft du Plateau Mont-Royal que la PME montréalaise Roofdog Games a conçu le jeu vidéo mobile Extreme Road Trip 2, qui trône au sommet de l'App Store depuis une semaine.

Le concept du jeu: faire des acrobaties en voiture sans s'écraser. «Une demande de mon fils de 2 ans qui voulait un jeu avec des camions», explique Guillaume Germain, fondateur et président de Roofdog.

S'il sentait détenir une formule gagnante, Guillaume Germain avoue avoir été quelque peu dépassé par le succès de ses jeux mobiles - le premier jeu Extreme Road Trip avait aussi atteint le sommet de l'App Store il y a un an. «Dans le mobile, il faut des jeux agréables, accessibles et simples à comprendre, dit-il. Mais je n'ai jamais rêvé à ça [être numéro un de l'App Store].»

Cinq studios montréalais ont réussi à atteindre le sommet de l'App Store, mais seulement deux «start-up» l'ont fait en développant leur propre franchise: Roofdog (Extreme Road Trip) et Gamerizon (Chop Chop). Ludia a utilisé des franchises étrangères (Où est Charlie?, Who Wants to Be a Millionaire), Behaviour avait un partenariat avec Disney et Gameloft a développé Modern Combat.

Si l'exploit de Roofdog est passé relativement inaperçu, c'est que Guillaume Germain ne cherche pas la publicité (il a donné sa première entrevue aux médias cette semaine, à La Presse).

Ancien employé chez Behaviour et Gamerizon (où il a notamment mis au point Chop Chop Runner, qui s'est aussi rendu au sommet de l'App Store), l'informaticien a suivi sa fibre entrepreneuriale en fondant son propre studio en mars 2011.

L'été suivant, il a lancé Extreme Road Trip, qui a mis trois semaines avant d'atteindre le sommet de l'App Store aux États-Unis (environ la moitié du marché mondial des jeux mobiles) pendant neuf jours. Extreme Road Trip a finalement été téléchargé à 10 millions de reprises - pas mal pour un jeu qu'il a créé pratiquement seul dans un bureau loué à des amis chez Carré Technologies, une autre start-up montréalaise.

Après ce succès inespéré, Guillaume Germain a dû se poser plusieurs questions. «Je ne savais pas trop quoi faire avec tout ça, dit-il. J'ai eu des discussions pour vendre, mais je ne voulais pas redevenir employé.»

En février dernier, l'entrepreneur de 33 ans s'est donc lancé dans la conception de son prochain jeu de voitures. Fin juin, il a formé une équipe de quatre employés repêchés chez Electronic Arts et Behaviour, et s'est installé dans le Plateau Mont-Royal dans l'ancien loft de Geodezik, une boîte qui fait du contenu vidéo pour les spectacles du Cirque du Soleil et Katy Perry.

Puis vint le moment tant attendu: le lancement d'Extreme Road Trip 2 le 1er novembre. Une soixantaine d'heures plus tard, le jeu était au deuxième rang des applications gratuites de l'App Store, derrière YouTube (depuis août dernier, Apple force les utilisateurs de l'iPhone et du iPad à télécharger YouTube, propriété de Google). Seulement sur l'iPad, Extreme Road Trip 2 a occupé le premier rang pendant quelques jours.

Depuis une semaine, le jeu a été téléchargé 2 millions de fois. Actuellement, il est téléchargé 350 000 fois par jour. Bien qu'il soit gratuit, on peut acheter des points et des voitures, ce qui lui a permis de se classer parmi les 50 applications les plus lucratives de la dernière semaine sur l'App Store.

Fort de ses succès, Roofdog a plusieurs projets dans ses cartons. «Nous avons plein d'idées et déjà trois-quatre prototypes», dit Guillaume Germain, son fondateur, président et unique actionnaire de Roofdog. (D'où vient le nom? Au resto avec des amis à discuter du nom de son entreprise, Guillaume Germain a vu un chien sur un toit de l'autre côté de la rue.)

S'il veut gérer sa croissance et ne pas embaucher trop rapidement, la nouvelle sensation de l'industrie montréalaise du jeu vidéo ne craint pas d'être une vedette éphémère dans cet univers où les succès sont vite oubliés.

«C'est quand même le troisième jeu auquel je participe qui se retrouve numéro un au App Store, dit Guillaume Germain sans prétention. Nous viserons toujours le premier rang, mais nous ne pourrons pas toujours l'atteindre car le App Store est tellement gros.»