L'idée des saveurs puissantes de la viande de gibier que nous avons est malheureusement fausse, étant héritée d'un autre temps où le gibier était nomade, donc vraiment sauvage, et, une fois abattu, était faisandé pendant plusieurs semaines avant d'être cuisiné. Cette époque étant révolue, le gibier est aujourd'hui surtout d'élevage, donc sédentaire, et rarement vieilli - il faut savoir que la maturation de la viande lui procure de nouvelles saveurs plus puissantes et plus complexes.

Le réflexe de marier le gibier à des vins puissants nous parvient aussi de cette période où la chair avait vraiment un goût «sauvage». Cela dit, il subsiste encore aujourd'hui des gibiers nomades, aux saveurs passablement «sauvages», engendrées par leur nourriture composée essentiellement d'herbes, de feuillage, d'écorce, de champignons, de lichens et de plantes aquatiques. L'orignal, emblème du chasseur québécois par excellence, est l'un de ces gros cervidés qui parfument nos assiettes automnales.

 

Si vous avez le bonheur de cuisiner de l'élan d'Amérique, rappelez-vous que la grande majorité des molécules de saveurs de la viande, qu'elle soit rouge, blanche ou de gibier, lui sont données en grande partie par le gras. Et comme l'orignal n'est pas à ranger parmi les viandes grasses, tout comme le caribou, d'ailleurs, soyez vigilant tant dans la découpe de la viande que dans sa cuisson qui devra être plus rapide.

Son alimentation transmet dans sa viande des saveurs dites de sapinage, de sous-bois et de champignon. On retrouve ce même type de profil de saveurs dans les vins rouges du pourtour méditerranéen, à base de grenache ou d'emourvèdre, ainsi que dans certains crus bordelais de quelques années de bouteille, sans oublier dans d'autres rouges au boisé avenant, à base de petite sirah, de zinfandel, de tempranillo ou de sangiovese.

François Chartier est l'auteur du nouveau livre Papilles et Molécules - La science aromatique des aliments et des vins, aux Éditions La Presse. Communiquez avec lui sur son site: francoischartier.ca

MES TROIS COUPS DE COEUR POUR LA VIANDE D'ORIGNAL

La Truffière «De Conti» 2005

Bergerac, Famille de Conti, France

13,55$ (10 846 000) **1/2 $

De style bordelais, cette aubaine est disponible depuis presque deux ans dans le même millésime 2005, et, bonne nouvelle (!), le sera jusqu'au début de l'année 2010. En septembre 2009, ce vin se montrait toujours aussi aromatique, à la fois fin et riche, ayant évolué depuis deux ans vers des tonalités de fruits plus compotés (framboise et prune) et de sous-bois, tout en conservant sa bouche presque pulpeuse, ample et expressive à souhait, aux tanins encore plus tendres, mais avec un grain assoupli, comparativement à l'année dernière. Du sérieux, à prix plus qu'honnête. Je me suis retenu pour ne pas lui accorder trois étoiles - donc à vous de lui décerner ou pas, spécialement avec la recette de tartare d'orignal!

Muga Reserva 2005

Rioja, Bodegas Muga, Espagne

24,20$ (855 007) ***$$

Comme à son habitude, cette désormais réputée cuvée de réserve se montre en 2005 fortement colorée, puissamment aromatique, aux tonalités complexes, jouant dans l'univers de la torréfaction, du cassis, de la cerise, du cacao et du vieux cuir, à la bouche aux tanins fermes, sans être durs, grâce à des courbes généreuses et sensuelles, aux saveurs d'une grande allonge, laissant paraître le profil girofle et vanillé venant de l'élevage en barriques. Du sérieux qui ne fera qu'un avec l'orignal en sauce riche et fumante.

The Galvo Garage d'Arenberg 2006

McLaren Vale, d'Arenberg, Australie

26,80$ (11 155 876) ***1/2 $$1/2

Un percutant et concentré assemblage australien de cépages bordelais, de l'une des maisons de référence en matière d'excellents rapports qualité-prix, se montrant hypercoloré, au fruité explosif et très mûr, au boisé marqué, sans trop, à la bouche pulpeuse, d'une bonne épaisseur veloutée, mais avec un grain de tanins serrés qui tend la matière vers le futur, même si elle se donne avec dévotion dès maintenant, égrainant des saveurs intenses et persistantes de chips au bacon, de crème de cassis, de fumée et de créosote. Soyez vigilant, car 250 caisses de cette nouveauté commencent à peine à être distribuées en succursale.