En Hongrie, de riches entrepreneurs se sont lancés dans la production de vin de qualité, un passe-temps coûteux pratiqué surtout pour le prestige dans un pays où la viticulture ne s'est toujours pas remise de la période communiste de l'après-guerre jusqu'en 1989.

Sandor Csanyi, président de la première banque hongroise OTP et l'homme le plus riche du pays, a montré la voie en créant à la fin des années 1990 les vins Teleki, désormais réputés. La famille Berés, qui a fait fortune en vendant des produits de parapharmacie, lui a emboîté le pas en 2002.

«Tous ces investissements ont été réalisés pour le prestige, du moins à court terme», explique Zoltan Zilai, directeur exécutif de la société Borkultura Nonprofit, organisatrice du plus grand festival de vins de Budapest.

La Hongrie, connue surtout pour sa production du vin liquoreux Tokay, a perdu beaucoup de ses traditions et de son savoir-faire dans le domaine vinicole pendant les quarante ans du communisme: «Il n'y avait pas de culture du vin, juste une production de masse pour les marchés du Comecon» (ndlr: le «Marché commun» des anciens pays communistes), souligne Zoltan Zilai.

«Les Français nous ont beaucoup appris», ajoute-t-il, relevant qu'en Hongrie nombre de maîtres de chai viennent de France.

Mais si des investisseurs étrangers -- le groupe d'assurance français Axa et le plus célèbre des vins espagnols, Vega-Sicilia -- ont pris pied en Hongrie, leur production reste marginale.

L'engagement d'entrepreneurs hongrois réputés est vu comme une chance de redorer l'image des vins hongrois. Nimrod Kovacs, un homme d'affaires américano-hongrois qui a amené en Hongrie la télévision câblée, entend y contribuer: «Je le fais parce que j'aime le vin... Je ne veux pas passer pour arrogant, mais les pertes que nous faisons ne risquent pas de me donner des cauchemars», déclare-t-il dans son bureau situé au-dessus de ses caves à Eger, une ville viticole du nord-est.

Nimrod Kovacs, dont le NJK 2006 et le Chardonnay Battonage 2008 sont appréciés aux États-Unis, s'attend à atteindre l'équilibre l'an prochain, mais pour les bénéfices, il faudra attendre plusieurs années.

«Nous ne pouvons pas réussir avec des vins peu chers à l'international, car des vins bon marché et meilleurs sont produits en Argentine, en Italie ou au Chili», explique-t-il à l'AFP. «Nous devons viser une grande qualité», ajoute-t-il.

Dans les années 1970, de cinq à six millions d'hectolitres de vins d'une qualité médiocre étaient produits chaque année. Aujourd'hui, la production atteint 4 millions, dont 0,5 million d'hectolitres à destination de l'étranger.

Après la chute du communisme, en 1989, les entreprises vinicoles ont dû repartir de zéro dans un marché international hautement compétitif.

La plupart des 7500 entreprises restantes -- elles étaient encore 12 000 quand la Hongrie a rejoint l'Union européenne en 2004 -- continuent à produire des vins de qualité très inégale, en utilisant des techniques obsolètes alors que leurs vignes et leurs chais se détériorent. Seul un tiers de ces sociétés fait des bénéfices.

Christian Sauska, homme d'affaires hongrois qui a fait fortune aux États-Unis dans l'industrie de l'éclairage, a installé son domaine dans la région du Tokay.

«Mais vous ne pouvez pas vivre uniquement avec la production de vins liquoreux. Les cépages indigènes Harslevelu et Furmint sont ceux qui attirent les consommateurs pour leur originalité», souligne-t-il. Ses vins se vendent aux États-Unis, en Grande-Bretagne ou encore en Chine et il espère inclure la Russie parmi ses clients dans un futur proche.

Pourtant, il faudra des années pour que sa société génère des bénéfices: «Si je regarde le montant qu'il a fallu investir et le retour sur investissement, cela ressemble à une mauvaise blague», déclare cet homme de 63 ans sans vouloir donner de chiffres. «Mes petits-enfants profiteront des bénéfices», conclut-il.