Le prestigieux Bordelais a subi mercredi une leçon de modestie au pays de l'alcool de riz, quand dix experts en vin de Chine et de France ont attribué leurs meilleures notes à des bouteilles chinoises à l'issue d'une dégustation à l'aveugle.

Ce résultat-surprise, témoignant de l'amélioration de la qualité vinicole en Chine, est venu sanctionner un concours baptisé «Bordeaux contre Ningxia», du nom de cette région du nord considérée par les spécialistes comme la plus prometteuse de grands crus.

La bouteille préférée par le jury a été un cabernet sauvignon Grace Vineyard Chairman's reserve (Ningxia), suivie par un Silver Heights The Summit 2009 (Ningxia), un JiaBeiLan 2009 (Ningxia), un Deep Blue Grace Vineyard 2009 (Ningxia) et enfin, en cinquième position, un Lafite Saga 2009 (Médoc).

Parmi les vins non retenus dans ce haut de classement figurent un Saint-Emilion Kressmann 2008, un Medoc Calvet réserve de l'Estey 2009, un Bordeaux Cordier 2008 et un Médoc Mouton Cadet 2009.

Les dix bouteilles millésimées 2008 ou 2009 sont vendues en Chine à un prix de détail compris entre 200 et 400 yuans (24 à 48 euros).

Les cuvées françaises sont toutefois pénalisées par une forte taxe d'importation de 48%, a expliqué à l'AFP l'un des organisateurs de la dégustation, Jim Boyce, fondateur du site grapewallofchina.com.

Mais, malgré ce handicap incontestable, le résultat est venu illustrer la récente bonification des vins chinois, ont convenu les membres du jury interrogés par l'AFP.

«Les Chinois s'en sortent très, très bien», a commenté Nathalie Sibille, oenologue et spécialiste des bordeaux. «Cette région (du Ningxia) a d'énormes potentiels».

«Les gens doivent changer d'opinion sur les vins chinois», a prévenu Fiona Sun, autre membre du jury et rédactrice de la Revue du vin de France.

Elle a dressé un parallèle avec le Jugement de Paris, surnom d'une dégustation à l'aveugle organisée en 1976 dans la capitale française qui a fait date en consacrant des vins du Nouveau Monde, en l'espèce californiens.

Pour le duel sino-français, les deux régions n'avaient pas été choisies par hasard. «Les bordeaux représentent le summum du prestige en Chine», a souligné M. Boyce.

Tandis que les vins du Ningxia «sont en train d'acquérir une reconnaissance internationale et la reconnaissance de l'industrie viticole, même si les consommateurs chinois ne les connaissent que très peu», a expliqué Steve Han, patron du site tasteV.com, qui se propose d'éduquer les palais chinois aux plaisirs de Bacchus.

En septembre dernier, un vin rouge du Ningxia avait déjà fait sensation à Londres et remportant un des prix les plus importants aux Decanter World Wine Awards.

Comment expliquer les progrès fulgurants de cette région reculée et largement aride, où la plupart des vignes n'ont été plantées qu'au début des années 2000?

«Au niveau de la topographie, il y a énormément de graves dans le sol. C'est un environnement parfait pour la vigne. Il y a beaucoup de vignerons qui ont fait des études dans le Bordelais. Ils utilisent des fûts en bois français de qualité. Et on est sur des petits volumes, des vins de garage», détaille Nicolas Carré, un consultant vivant en Chine, ex-sommelier diplômé de l'université du vin de Suze-la-Rousse.

Frankie Zhao, un des cinq membres chinois du jury, ne doute pas que les vins chinois vont de plus en plus faire parler d'eux à l'étranger. Avec une production pour l'heure concentrée sur le rouge, la couleur de la Chine.

Photo: Ed Jones, Agence France-Presse

La bouteille préférée par le jury a été un cabernet sauvignon Grace Vineyard Chairman's reserve 2009.