Huit ans après son apparition dans le documentaire Mondovino qui dressait de lui un portrait au vitriol, le Bordelais Michel Rolland revient, avec un livre, Le gourou du vin (éd. Glénat, 194 p.), sur son parcours d'oenologue international, non sans régler quelques comptes.

L'homme aux 63 printemps à la voix ronde et joviale, dont la société basée à Pomerol (Gironde) conseille quelque 250 propriétés à travers le monde, certaines parmi les plus réputées du Bordelais, se défend d'avoir eu la tentation de rendre les coups portés.

Il reconnaît simplement «distribuer quelques grosses volées de bois vert à certains et des petites à d'autres» dans un livre qu'il invite à lire «un peu au second degré».

«Voyez par exemple le mot "gourou", dit-il, j'aurais pu aussi bien mettre le "Napoléon des assemblages"», lance-t-il dans un rire sonore.

Ses «volées de bois vert», Michel Rolland dit les adresser en priorité au milieu du vin bordelais «où l'hypocrisie est reine».

«Je dis ce qui ne se dit jamais, qu'on est des faux-culs à Bordeaux!», lance-t-il dans un nouveau rire énergique.

Pourtant, si près de 90 pages évoquent les racines du petit enfant du Libournais et les millésimes de 1973 à 2001, période «du vin en révolutions» et des réflexes conservateurs dans les propriétés bordelaises, deux chapitres (sur les cinq) sont entièrement consacrés à deux personnes: le réputé critique américain Robert Parker, «un tournant dans ma vie» souligne-t-il admiratif, et le réalisateur de Mondovino, «Jonathan Nossiter, le janséniste altermondialiste et ses acolytes».

«Parker, il a changé le paysage vineux mondial par une approche de la dégustation que personne n'avait avant lui. Il a eu l'idée d'un système de notation, critiqué peut-être, mais c'est le seul qui marche», assure-t-il.

«Les inepties sont légion, surtout quand il s'agit de dénigrer, et certains esprits font preuve d'une rare inventivité», raille-t-il par écrit pour défendre «le pape de la dégustation».

«D'aucuns, avec une imbécillité rare, affirment que des viticulteurs se seraient inféodés à son goût pour gagner les faveurs du maître. Techniquement c'est impossible», argue-t-il.

Quant à Jonathan Nossiter, «son message était mauvais», tranche Michel Rolland. «Tout sonne faux dans son documentaire irradié par le ressentiment», écrit-il, estimant qu'«à l'humour a été substitué un cynisme belliqueux».

Dans Mondovino, pamphlet sur la globalisation du goût et la mondialisation de la production du vin, sorti en 2004, Michel Rolland apparaît suffisant, pédant, dictant ses consignes abruptes à travers le monde tout en se montrant détestable avec collaborateurs et clients, et, malgré lui, obtient une stature médiatique internationale.

«L'image de l'homme avec chauffeur et cigare ce n'est pas lui», défend une propriétaire bordelaise que Michel Rolland conseille. «Sa réussite suscite beaucoup de jalousies», estime-t-elle.

«C'est un vrai paysan, au sens noble du terme, et il a surtout un réel talent, il est bluffant. Ce n'est pas vrai qu'il fait des vins identiques, il fait les vins que les propriétaires lui demandent», soutient un autre viticulteur.

«Je n'ai rien contre le personnage qui ne reviendra sûrement jamais dans le vin. En revanche, je trouve que la presse française a été beaucoup trop complaisante. Ce n'était pas du génie, il a enfumé tout le monde et c'est ce que je voulais dénoncer dans le livre», dit encore Michel Rolland au sujet de Jonathan Nossiter.

Mais huit ans après la sortie du documentaire, Michel Rolland trouve que «la mise en scène était tellement outrée que son effet fut l'inverse de ce que Jonathan Nossiter avait imaginé. Le film m'a ouvert mille sympathies», sourit-il aujourd'hui.