«Notre métier consiste à produire un vin de plaisir, cela ne peut se faire au détriment de la nature» : guidant sa charrue tractée par une jument ardennaise, Vincent Laval, viticulteur bio à Cumières (Marne) prépare sa terre pour l'hiver selon une pratique ancestrale.

«Il n'y a pas de nostalgie dans l'agriculture biologique, juste une prise de conscience des principes naturels et un respect absolu de l'environnement», explique tout sourire le vigneron, récemment élu président de l'Association interprofessionnelle des vins de l'agriculture biologique de Champagne (AIVABC).

Cette conscience, Vincent Laval l'a héritée de son père qui fut dans les années 70 l'un des sept pionniers du bio en Champagne. «C'est une émission du commandant Cousteau qui dénonçait la présence d'insecticides en Arctique qui l'a convaincu de passer à l'agriculture biologique», s'amuse-t-il.

Sur ses 2,5 hectares de vigne accrochés aux coteaux de Cumières dominant la vallée de la Marne, le vigneron a proscrit tout produit chimique de synthèse, laissant volontiers l'herbe pousser entre les ceps et privilégiant pour ses labours le cheval de trait au tracteur.

Entre les vignes qui se teintent de couleurs automnales, la jument ardennaise Samba gravit vaillamment la pente exposée plein sud alors que les socs ouvrent la terre brune et odorante.
«Le cheval ne tasse pas le sol et quand on passe la charrue ça sent la terre vivante, il y a de la décomposition et des micro-organismes qui travaillent là», se réjouit M. Laval.

Selon lui, cette vie microbienne et l'herbe établissent une concurrence en surface, qui oblige la vigne à aller chercher en profondeur ses nutriments.

«Dans le raisin biologique, on retrouve ainsi l'expression du terroir, la concentration d'arômes et toute la complexité nécessaire à un grand vin», explique le vigneron.

«Bien sûr en bio il y a plus de risques et plus de travail et la vigne produit moins. Mais en trente ans notre récolte n'a jamais été inférieure aux rendements autorisés», constate-t-il.

Pour lui, les principes de l'agriculture biologique améliorent non seulement l'environnement, mais également le tissu social par l'emploi d'un supplément de main d'oeuvre. Un surcoût qui sera répercuté sur les vins labellisés bio en moyenne 20% plus chers que les vins issus de l'agriculture conventionnelle.

Depuis six ans, 72 vignerons sur les 15 000 que compte l'appellation se sont officiellement convertis à la viticulture biologique et exploitent 300 hectares de vigne, soit moins de 1% des surfaces viticoles en Champagne.

«Le climat froid et humide de la Champagne rend la vigne particulièrement sensible aux attaques des parasites et des ravageurs ce qui ne facilite pas la conversion au bio», explique Thibaut Le Mailloux, porte-parole du Comité interprofessionnel du vin de champagne (CIVC).

Aussi «bon nombre de vignerons qui travaillent en bio ou en biodynamie n'en font pas état pour ne pas se priver de la possibilité de traiter en cas de besoin», affirme-t-il.

Bien que très minoritaires, les précurseurs de la viticulture bio ont imposé durablement leurs principes dans le vignoble champenois, reconnaît toutefois M. Le Mailloux.

Selon lui, 76% du vignoble est maintenant enherbé et depuis dix ans l'utilisation d'insecticides a baissé de 90% à la faveur de méthodes plus naturelles comme la désorientation sexuelle des papillons ravageurs par l'utilisation de phéromones.