L'avenir du réseau public de santé québécois passerait-il par... les grands crus?

Chose certaine, l'hôpital Maisonneuve-Rosemont (HMR) a tiré le bon numéro il y a quelques années en s'associant à Montréal passion vin (MPV), prestigieuse fin de semaine de dégustation et d'encan, pour alimenter sa fondation.

Cette année, le HMR a récolté 1,2 million les 29 et 30 octobre, deux fois plus que l'an dernier. Cette somme est destinée à la construction du Centre d'excellence en thérapie cellulaire.

En fait, le rassemblement aurait amassé à peu près la même somme que l'an dernier, n'eût été d'un généreux mécène - Herbert Black, de la Compagnie américaine de fer et métaux de Montréal - qui a décidé de doubler la mise recueillie à l'encan à la criée.

Même le ministre de la Santé, Yves Bolduc, a été emporté par l'élan de générosité et s'est pointé au dîner gala avec un chèque de 15 000$ pour la fondation du HMR.

Le succès de Montréal passion vin et de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont et l'empressement du ministre feront peut-être des jaloux dans le réseau. À moins que cela ne leur donne au contraire des idées pour financer leur propre fondation...

Ce que cet événement dit aussi, en plus de la générosité de certains, c'est que crise économique ou pas, il y a encore pas mal de monde à Montréal (et ailleurs, j'ai notamment rencontré des gens de Québec) prêt à débourser de jolies sommes pour déguster ou acheter des grands vins.

Je garde pour ma part un souvenir vif de la dégustation de Haut-Brion, en particulier le 2005 et le 2000, des diamants parfaitement taillés, dont le prix, malheureusement, se rapproche aussi davantage des pierres précieuses que du jus de raisin. Dans la grande salle bondée du Hilton Bonaventure, les amateurs sont restés longuement à leur place pour siroter leurs verres une fois la présentation terminée. La très grande majorité des crachoirs installés aux tables de dégustation sont restés propres ce soir-là.

J'ai retenu aussi cette phrase aussi cocasse que révélatrice de Jean-Philippe Delmas, chef d'exploitation de Haut-Brion: «Le mot terroir est utile parce que vous pouvez l'utiliser pour répondre aux questions compliquées auxquelles vous n'avez pas de réponse.»

L'évolution du vin

La dégustation du canon californien Caymus, de la vallée de Napa, aura aussi été une expérience hors du commun. À vrai dire, il s'agissait non seulement d'une dégustation de six millésimes (1990, 1994, 1997, 2002, 2007 et 2008) de cette prestigieuse maison, mais aussi d'un véritable voyage dans le temps. On sentait dans cette dégustation autant l'évolution des vins que celle du marché des vins.

Comme Chuck Wagner, propriétaire de Caymus, avait choisi de présenter ses vins en ordre croissant (contrairement à la pratique courante), nous sommes passés d'un style très bordelais pré-2002, des vins plus classiques, plus distingués, à des vins soudainement beaucoup plus exubérants, beaucoup plus racoleurs et même «confiturés», pour reprendre un mot entendu ici et là dans la salle après la dégustation.

M. Wagner ne s'en cache pas: il s'agit d'une démarche délibérée. «Avant, en Californie, on avait tendance à vouloir copier ce qui se faisait à Bordeaux, a-t-il expliqué. Maintenant, nous exprimons notre propre style.»

Qu'a-t-on changé dans les années 2000?

D'abord, le vin passe moins de temps en barrique; on récolte aussi plus mûr, ce qui a permis de gagner 1,5% d'alcool; on enlève les pépins depuis environ cinq ans pour éliminer un peu d'amertume et on ajoute maintenant un peu de merlot à des vins qui étaient jusqu'à récemment 100% cabernet sauvignon.

La maison Caymus ne fait que suivre le marché. Cela dit, à la lumière des commentaires recueillis ce soir-là, je conclus que les amateurs d'ici ont préféré, et de loin, le classicisme des années 90 au modernisme de la décennie suivante. Moi de même.