Dans mon enfance, jamais on ne buvait de vin. Il n'y avait qu'à Noël et au jour de l'An qu'on voyait une bouteille ou deux apparaître sur la table. Quels vins?

Les seuls dont je me souvienne personnellement sont ceux que l'on servait chez mes grands-parents paternels, le 1er janvier.

Les deux vins en question étaient de l'Ontario. L'un était une imitation - sucrée - de xérès, de couleur ambrée et dont on servait un tout petit verre aux enfants, à la table où on les installait ensemble.

Nous le dégustions, très lentement, mes cousines, mes frères et moi, en nous regardant les uns les autres, étonnés de sentir la chaleur de l'alcool sur la langue...

Les adultes, eux, avaient droit à un vin blanc pour accompagner la dinde, nommé le Manoir Saint-David, aussi de l'Ontario. Vin qui était sans doute élaboré avec un ou des cépages hybrides (obtenus par le croisement de vignes d'espèces différentes), plutôt qu'avec un cépage noble, comme on dit, tel que le Sauvignon blanc ou le Chardonnay.

C'était il y a bien longtemps, dans les années 40 et 50.

En fait, seuls de rares initiés, les Marcel Gadoua, Marcel Harvey, Jean-Paul Pelletier, Henry Wojcik, etc., connaissaient et buvaient des vins de qualité, rouges et blancs, pendant toute cette période. Et, cela, jusqu'à la fin des années 70.

Période où la SAQ - ou plutôt la Commission des liqueurs du Québec, comme s'appelait alors la société d'État - commercialisait les plus grands bordeaux et bourgognes, rouges et blancs - les Pauillacs Châteaux Lafite et Latour, par exemple -, à des prix très abordables dans ses succursales ordinaires, soit moins de 10 $ la bouteille.

Tout cela pour en venir à la question suivante, à la veille de la fête des Mères : quels vins, me suis-je demandé, aurait bu et boirait encore ma mère, si elle avait connu le vin?

Agent d'immigration et donc fonctionnaire fédéral, mon père était fort mal payé. Et, pour cette raison, ma mère, fort économe, aurait sans doute acheté alors des vins peu coûteux, mais en recherchant les meilleurs rapports qualité-prix.

Maintenant décédée, elle ferait de même à l'heure actuelle, de toute évidence.

Pour fêter, elle n'aurait pas acheté de champagne (trop cher), mais, par exemple, une bouteille du Carpenè Malvolti, un mousseux rosé d'Italie sans appellation, que la presse spécialisée a pu goûter récemment, en même temps que 26 autres rosés de spécialité, lesquels sont mis en vente en quatre lots successifs depuis le début mai.

Goûté à l'aveugle, comme d'ailleurs les 26 autres rosés, c'est, à mon sens, le meilleur des quatre mousseux de cette couleur qu'offre la SAQ cette année.

Rien de grandiose, mais la couleur est soutenue, et le bouquet de fruits rouges, quoique simple, a toute la franchise voulue. Riche en gaz carbonique, légèrement sucré (15 grammes de sucre résiduel par litre), c'est un mousseux... commercial, comme le veut l'expression, mais bien fait dans son genre. Le servir très frais. En vente depuis le 7 mai.

S, 10520510, 15,90 $, **, $ 1/2, 2007.

La dégustation à l'aveugle

La vue d'une bouteille, l'origine du vin, son prix - tout cela ne manque pas d'influencer même le dégustateur le plus consciencieux. D'où l'avantage qu'offre la dégustation à l'aveugle, car on ne juge alors que le vin.

Ainsi, il est bien évident qu'à bouteilles découvertes un rosé tel que le Cuyo 2006 Cabernet Sauvignon Astica, d'Argentine, vendu à très petit prix et affublé d'une étiquette quelconque, part perdant...

À l'aveugle, néanmoins, ce fut un des deux vins que j'ai le mieux noté, quant à moi. Et sur lequel ma mère se précipiterait, vivrait-elle encore!

Vin qui ne sera toutefois en vente qu'à partir du 4 juin, d'un rose assez soutenu, son bouquet est franc, et comporte certaines nuances, ce qui n'est si fréquent dans les rosés.

Équilibré en bouche, sans rien de sucré (contrairement à plusieurs autres vins goûtés ce jour-là), ses saveurs sont tout aussi franches que l'annonce le bouquet, et il a du style. Très beau rosé, et à prix imbattable.

S, 10385565, 8,35 $, ***, $, 2007.

Cependant, peut-être aurait-il été plus juste de le noter deux étoiles et demie (cela reste un rosé), mais, n'empêche, aucun autre de ces vins ne l'égale sur le plan du rapport qualité-prix.

Déjà en vente, le Vinho Regional Estremadura 2006 Quinta da Espiga, du Portugal, aurait plu également à ma mère.

D'une nuance rosée assez prononcée, son bouquet, plutôt unidimensionnel, a lui aussi la netteté qu'on attend d'un vin bien fait. Moyennement corsé comme rosé, sec (bravo), il m'est apparu comme l'un des meilleurs de ces 27 vins.

S, 10790827, 11,40 $, ** 1/2, $, 2007.

Ma mère n'aurait pas dédaigné non plus le Rioja 2006 Marqués de Caceres, bien qu'il soit un peu plus cher, de corps moyen, lui aussi équilibré, avec une bonne dose d'acidité, ce qui le rend un peu austère. Fort bon, et déjà en vente.

S, 10263242, 13,70 $, **1/2 , $ 1/2, 2007-2008.

On trouvera dans deux semaines, soit le samedi 26 mai, des suggestions additionnelles de rosés pour l'été.

Un bourgogne blanc

Serait-elle encore de ce monde, Yvette Deneault - tel était le nom de jeune fille de ma mère - n'achèterait pas une seule bouteille de bourgogne blanc, tant ces vins coûtent cher. D'autant plus que beaucoup sont désormais très, ou même trop boisés.

Il y a heureusement des exceptions, tel le Bourgogne 2003 Blanc d'Azenay Georges Blanc, de style très 2003 (année qui fut torride, comme on sait), jaune paille, au bouquet ample, très mûr et au boisé bien intégré, avec en bouche la même amplitude, du corps à souhait.

S, 857532, 19,45 $, ***, $$, 2007-2008.

Une bonne nouvelle

Si elle vivait toujours, je serais plus qu'heureux d'annoncer à ma mère la bonne nouvelle suivante : la SAQ commandé 540 caisses, du merveilleux Costières de Nîmes 2003 Cuvée Aegidiane Château Lamargue.

Vin dont j'ai chanté les mérites, goûté de nouveau il y a quelques jours, il a, malgré son prix de moins de 21 $, tout ce qu'il faut pour éclipser des Châteauneufs-du-Pape deux ou trois fois plus chers. On devrait le revoir dès juin sur les tablettes.

La recommandation de la semaineMa mère avait... le bec sucré et fit au cours de sa vie des montagnes de gâteaux et de tartes. Elle aurait donc manifestement apprécié le Tawny 10 ans Cockburn's, lequel, pendant un temps, me sembla avoir perdu sa distinction coutumière. Goûté (et bu) de nouveau à plusieurs reprises, je l'ai retrouvé tel que je l'avais aimé précédemment, d'une couleur fauve clair, avec cette finesse et cette complexité du bouquet qui en font l'un des meilleurs vins de ce type sur le marché. Même chose pour la bouche, laquelle se présente sans rien de ces saveurs trop appuyées, genre bois brûlé, de plusieurs 10 ans, et donc d'une distinction qui est la marque de commerce de ce très beau porto. La bouteille ouverte, la garder debout au réfrigérateur, et servir le vin bien frais.

S, 156844, 30,50 $, *** 1/2, $$$ 1/2, 2007-2008.

Dégustés pour vousToscana 2005 IGT Banfi. Vin rouge de Toscane d'un beau pourpre foncé, c'est un assemblage de Sangiovese, de Cabernet Sauvignon et de Merlot, au bouquet de bon volume, bien mûr, de fruits rouges et noirs, très légèrement boisé. D'une bonne concentration, nettement plus que moyennement corsé, ses tannins sont aimables, quoique sans mollesse, et il m'a paru meilleur que jamais dans ce millésime. S, 908285, 18,85 $, ***, $ $, 2007-2009.

Columbia Valley 2003 Syrah Gordon Brothers. Vin rouge de Syrah, de Washington, d'un pourpre-grenat quasi opaque. Le bouquet est large, profond, dominé par des nuances de fruits noirs, la bouche concentrée, compacte, les tannins gras, avec des nuances chocolatées (le bois) dans l'après-goût. Costaud, et 15 % d'alcool, mais la matière est à ce point abondante qu'il est fort buvable. S, 10745399, 29,95 $, ***, $ $ $ 1/2, 2007-2009.

Columbia Valley 2004 Merlot L'École No 41. Autre vin rouge de Washington, bien coloré quoiqu'un peu moins que le précédent, au bouquet de bonne ampleur, de fruits rouges et relevé par un boisé aux notes de pain grillé. Relativement corsé, harmonieux, ses tannins sont fermes, mais sans rugosité. Cher, toutefois. S, 10709558, 39,75 $, *** 1/2, $ $ $ $, 2007-2010.

Brunello di Montalcino 2001 Corte Pavone. Élaboré avec du Sangiovese Grosso, puis élevé partiellement en foudres, ou grands tonneaux, son bouquet de Sangiovese bien mûr est marqué par des notes boisées un peu rustiques (les foudres). Tannique, ferme, ses tannins sont un peu astringents, et il s'impose par son éclat et son ampleur. D'un grand millésime, et cher comme tant de ces vins. Curiosité : il est bouché avec un bouchon en verre. S, 494930, 62 $, *** 1/2, $ $ $ $ 1/2, 2007-2012?