Charles Fernyhough et son épouse se sont souvent amusés à placer leur fille Athena devant un miroir, quand elle avait 1 ou 2 ans. Ils étaient fascinés par son incapacité à se reconnaître. Elle se désignait comme "Athena", au lieu d'utiliser le "je". Et quand ils lui barbouillaient le nez de rouge à lèvres, Athena était curieuse de voir ce bébé maquillé, mais ne portait jamais la main à son propre nez.

Avoir des parents pédopsychologues n'est pas de tout repos. Pendant les trois premières années de sa vie, Athena était constamment observée d'un oeil clinique par son père. M. Fernyhough, qui enseigne à l'Université Durham, dans le nord de l'Angleterre, a publié un livre sur ses observations, A Thousand Days of Wonder (publié en Europe sous le titre moins lyrique de Baby in the Mirror).

"Je voulais comprendre comment pense un bébé", explique le psychologue britannique, dont l'épouse est aussi psychologue, en entrevue téléphonique. "Presque personne n'a de souvenirs de ses trois premières années. Quand Athena avait 3 ou 4 ans, je lui ai demandé comment c'était quand elle était bébé. Elle m'a répondu qu'il faisait soleil."

M. Fernyhough a beaucoup réfléchi à l'impact qu'avait pour sa fille cette surexposition médiatique et clinique. "Je n'ai par exemple pas accepté qu'elle soit photographiée, excepté pour une séance avec le Guardian. J'ai limité à certains congrès scientifiques la présentation des vidéos de ses premières années. Je cessais de filmer dès qu'elle se faisait mal ou commençait à pleurer. Et j'ai envisagé de continuer à écrire sur le reste de son enfance, mais j'ai abandonné le projet pour ne pas l'affecter davantage." Avant de présenter les vidéos à un congrès, il demande chaque fois de nouveau la permission à Athena, qui a maintenant 9 ans.

Au passage, le psychologue britannique a beaucoup réfléchi à la surmédiatisation des enfants, à l'âge des blogues et de Facebook. Il a récemment écrit un essai sur le sujet dans le Financial Times. "On peut penser que certaines mères qui parlent sans cesse des actions de leur bébé et mettent en ligne des dizaines de photos et de vidéos ont un problème d'identité: elles ne sont plus elles-mêmes, mais vivent par l'intermédiaire de leur enfant. Bien sûr, la photographie et les vidéos maison existent depuis toujours. Mais la technologie est devenue si facile d'utilisation qu'elle n'est plus limitée aux occasions spéciales comme les vacances ou les anniversaires."

Les bébés comme des voitures

Haynes publie une série de manuels sur la mécanique très populaire au Royaume-Uni. On peut y trouver toutes les informations nécessaires pour réparer soi-même sa voiture, qu'il s'agisse d'une Buick Regal ou d'une Porsche 911. Mais Haynes offre aussi des livres pour les papas, dont le plus célèbre est The Baby Owner's Manual, From Conception to Age Two (il existe aussi des manuels pour les 3-6 ans et pour les adolescents). Leur auteur, Ian Banks, est un médecin spécialiste de la santé des hommes qui enseigne à l'Université métropolitaine de Leeds. "Les hommes ne trouvent pas ce dont ils ont besoin dans les livres sur les bébés écrits pour des femmes", explique le Dr Banks en entrevue téléphonique. "Ils ont besoin d'une approche étape par étape, un peu comme l'enseignement médical traditionnel."