Il pèse plus lourd que le cerveau, quelque 2 kg, mais reste sous-exploré: les chercheurs considèrent aujourd'hui comme «un véritable organe» du corps humain le «microbiote intestinal», l'ensemble des milliards de bactéries hébergées par le tube digestif.                

> Sur le web: les détails du projet MetaHIT de l'INRA (en anglais)

> Sur le web: le projet MetaHIT en bref

«C'est un organe négligé, que le médecin ne sait pas palper ou examiner», dit Dusko Ehrlich, coordinateur à l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) du projet MetaHIT. «Pourtant, on sait qu'il peut être perturbé dans certaines maladies», comme les MICI (maladies inflammatoires chroniques intestinales) ou l'obésité, ajoute-t-il.

Lancé en 2008, le projet de recherche européen MetaHIT s'achèvera par un colloque scientifique international cette semaine à Paris, l'occasion de faire le point sur les avancées réalisées dans l'étude de cet écosystème qui nous habite.

«Je suis convaincue qu'on a ouvert un nouveau champ de la recherche, qui nous fera mieux connaître les interactions entre alimentation et santé», affirme Marion Guillou, présidente de l'INRA.

Les chercheurs ont d'abord mis au point ce qu'ils décrivent comme «un scanner moléculaire», un outil d'exploration de ces bactéries qui colonisent le tube digestif humain 24 heures après la naissance.

En couplant une méthode de séquençage d'ADN à très haut débit à une analyse bio-informatique, ils ont constitué un catalogue de la quasi-totalité des gènes des bactéries hébergées par le tube digestif humain. Un «métagénome» qui comporte 150 fois plus de gènes que le génome humain.

Les chercheurs ont ensuite montré que, comme il existe des groupes sanguins, la population mondiale se répartit en trois groupes distincts (les entérotypes), en fonction des bactéries prépondérantes dans les intestins.

«Nous sommes tous assez semblables, mais partagés en trois groupes», résume Dusko Ehrlich.

Un «stéthoscope moléculaire»

Ces découvertes ouvrent plusieurs pistes de recherches: détection précoce des maladies chroniques par des signes précurseurs dans le microbiote, prévention par une alimentation adaptée, médecine personnalisée (la classification en entérotypes devrait permettre d'adapter le traitement).

Les bactéries intestinales ont des fonctions indispensables à la santé. Elles synthétisent des vitamines, contribuent à la dégradation de certains composés, mais jouent aussi un rôle majeur dans les fonctions immunitaires.

Les chercheurs commencent à détecter des associations entre les bactéries présentes dans le tube digestif et certaines pathologies, comme la maladie de Crohn et l'obésité. La prochaine étape consistera à déterminer si c'est la présence des bactéries qui explique la maladie, ou si c'est la maladie qui favorise leur présence.

L'exploration du microbiote intestinal pourrait par ailleurs aider à l'identification de bactéries associées à certains cancers ou aux risques cardiométaboliques (diabète...).

«On travaille au développement d'un ''stéthoscope moléculaire'' pour étudier le dialogue entre les bactéries intestinales et les cellules humaines», indique Joël Doré (centre Inra de Jouy-en-Josas).

Le projet MetaHIT sera notamment valorisé au travers du projet MétaGénoPolis de l'INRA, retenu début février comme Investissement d'Avenir, avec l'objectif de démontrer l'impact de la flore intestinale humaine sur la santé.

Un de ses volets consistera à mettre en place une biobanque permettant de stocker un million d'échantillons fécaux, base de travail des recherches sur le microbiote intestinal.