Pour célébrer sa victoire avec sa femme Michelle, Barack Obama est allé manger chez Spiaggia, un des grands restaurants italiens de Chicago, un choix assez classique. Il aurait pu aller chez le célèbre Charlie Trotter, probablement le chef le plus connu de la ville, mais peut-être est-ce une institution trop patricienne. Ou encore choisir Alinea, un autre restaurant de grande renommée, spécialisé celui-là en cuisine moléculaire. Mais veut-on d'un président amateur de cuisine moléculaire?

Lorsque je pense à Obama et à tout ce qu'il représente politiquement et socialement et que j'essaie de traduire cela en cuisine, j'arrive plutôt dans la cuisine de David Chang, chez Momofuku à New York.

 

Cette cuisine aux origines asiatiques diverses tellement post-fusion qu'elle est, dans le fond, tout simplement, américaine, correspond tout à fait à l'esprit de modernité proposé par la nouvelle présidence: soupes aux nouilles au porc fondant, ceviche, viandes braisées roulées dans de la laitue... Le tout servi dans un environnement minimaliste, moderne, sans nappe blanche, sans réservation, à prix plutôt raisonnables...

À Montréal, il n'y a pas de Momofuku et rien ne s'en approche. Mais il y a une proposition beaucoup plus modeste, beaucoup plus approximative, mais néanmoins sympathique, qui joue dans les mêmes eaux culinaires asiatiques et qui s'appelle Ramen-Ya. Arrivé au printemps sur le boulevard Saint-Laurent, entre Rachel et Marianne, ce restaurant est aussi le type de lieu où on nage en pleine génération Obama.

Évidemment, direz-vous, on voit le nouveau président partout dans notre soupe ces jours-ci. Mais cet établissement m'a fait penser à lui car les deux fois où j'y suis allée, il était rempli de gens qui ressemblaient drôlement à ses électeurs. Un mélange bigarré d'hommes et de femmes d'origines diverses et métissées, munis de BlackBerry et de iPhone, mangeant de la soupe d'inspiration japonaise préparée avec des ingrédients canadiens par des cuisiniers d'origine chinoise formés par un Japonais avant de bifurquer vers la Belgique et New York pour aboutir sur la Main.

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Ramen-Ya est tout petit et on n'y va pas pour traîner pendant des heures. Qu'on soit assis au bar ou à une des tables, le tabouret est omniprésent. Le confort est plutôt dans les bols de soupe aux nouilles qui sont servis sous toutes sortes de déclinaisons, spécialité des lieux.

Car si le restaurant se présente comme étant d'inspiration japonaise et donc des sushis, ce n'est pas ce qu'il y a de plus intéressant. La découverte se situe plutôt du côté des soupes aux nouilles de type ramen - et qui n'ont rien à voir avec les soupes vietnamiennes de type phô - construites presque à la carte. Bouillon à base de soja ou de porc ou de miso? Épicé ou doux? Avec poulet ou porc braisé?

Notre choix gagnant: le bouillon au miso, qu'on assaisonne ensuite avec les épices piquantes ou l'ail frit présentés dans une sorte de salière sur la table. Le poulet grillé est une bonne garniture, classique. Mais le plus étonnant est la tranche de rôti de porc, assez tendre pour être découpée et mangée avec des baguettes.

La soupe vient aussi remplie de nouilles qui ne sont pas du tout blanches et ondulées comme celles que l'on trouve dans les paquets de ramen instantanés (très loin de la soupe authentique, on s'en doute). Ce sont plutôt des pâtes fraîches faites de farine de blé, fines et droites, prêtes à être aspirées bruyamment et se faufilant sous la dent. La soupe est de plus garnie de champignons, de pousses de soja et d'algues.

Souvent, pour ce genre de potage, les Japonais (et Momofuku) proposent de plus un oeuf poché dont le jaune, en craquant, vient enrichir le bouillon. Chez Ramen-Ya, malheureusement, on a choisi de ne pas en ajouter. (Une idée: on en propose en option?)

La soupe n'est pas l'unique plat au menu. On peut aussi choisir des nouilles udon, de grosses pâtes rondes tendres glissantes, qui sont servies avec du poulet grillé ou simplement des légumes. Il y a aussi les traditionnels dumplings japonais, les gyoza.

Et pour le dessert, la glace au gingembre - qui n'est pas faite sur place, toutefois - est une façon intéressante de terminer le repas sur une note asiatique, fraîche et savoureuse.

Les puristes japonais diront peut-être qu'on est loin du ramen traditionnel. Et que la crème glacée au dessert est une idée européenne. Certes. Mais cela n'empêche pas ce nouveau restaurant aux origines diverses, voire un peu confuses, d'aller explorer de façon sympathique des cuisines asiatiques que l'on connaît trop peu à Montréal.

Ramen-Ya

4274, boulevard Saint-Laurent Montréal 514- 286-3832

Prix: le midi, on peut prendre un menu spécial combinant sushi et soupe pour 12,50$ par personne. À la carte: soupes à 8,50$, plats de udon à 9,50$, desserts à 4$ ou 5$.

Carte des vins: aucun vin mais quelques bières locales et japonaises et du saké. Hautement recommandée: la limonade maison à base de citron vert! On offre aussi du thé vert glacé.

Genre: restaurant spécialisé en nouilles asiatiques, surtout d'inspiration japonaise, comme on en a beaucoup trop peu à Montréal.

Décor: avec peu de moyens, on a réussi à créer un décor moderne à la japonaise, aux lignes très simples. Cuisine ouverte, tables hautes, bar à sushi... Jolie lampe de plastique à la scandinave en entrée et photos végétales sur les murs.

Faune: les gens qui fréquentent ce restaurant sont à l'image du quartier, donc souvent jeunes et d'origines complètement diverses, cool et branchés, mais sans prétention. On y retourne? Oui, avec les enfants, pour le lunch, ou avant le théâtre ou le cinéma.

(") la limonade maison au citron vert.

(-) un problème d'aération typique des cuisines ouvertes.