Oubliez le Machu Picchu et El Condor Pasa. Le Pérou est aujourd'hui réputé pour autre chose que son folklore et son archéologie. Sa gastronomie jouit depuis quelques années d'une grande popularité en Asie et en Europe, où le nombre de restos péruviens explose. L'Amérique du Nord est en train d'allumer. Et Montréal n'est pas en reste. Résumé d'un phénomène et rencontre avec trois chefs qui nous livrent leurs secrets.

En Asie, la cuisine péruvienne est classée depuis 10 ans comme l'une des trois meilleures gastronomies du monde. En Europe et en Amérique, elle connaît actuellement une fulgurante ascension. Pas plus tard que l'an dernier, la revue gastronomique The Chef a déclaré que Lima était la capitale culinaire de l'Amérique latine. Une opinion partagée par les magazines Time et The Economist, qui lui ont aussi consacré des dossiers.

Cet engouement planétaire n'a pas épargné le Pérou, qui a fini par prendre conscience de son énorme potentiel culinaire. Le gouvernement fait désormais la promotion du tourisme à travers la gastronomie et des voyages sont organisés autour de la bouffe! «On est loin de l'époque où les grands hôtels péruviens ne servaient que de la cuisine internationale», lance Luis Corcuera, propriétaire du restaurant Sol y Mar, dans la rue Saint-Hubert.

Ce n'est pas tout: il y a six ans, l'école gastronomique le Cordon bleu a ouvert une filiale à Lima, la seule en Amérique latine. Et d'autres écoles d'hôtellerie ont été fondées afin de répondre à la demande croissante de cuisiniers péruviens dans le monde. Car selon Martin Ore, du restaurant Mochica de la rue Saint-Denis, «il y a un besoin criant pour des chefs à l'extérieur du Pérou».

La stabilité politique expliquerait en partie l'actuelle émergence de la cuisine péruvienne. Miné par la guerre civile, le Pérou d'il y a 20 ans était trop déchiré pour penser à partager ses richesses. Mais il retrouve maintenant ses lettres de noblesse dans le domaine de l'exportation minière et agricole. «Cette croissance économique a donné autre chose à voir que notre archéologie», résume M. Ore.

Ce n'était probablement qu'une question de temps. Car la cuisine péruvienne, millénaire et extraordinairement éclectique, ne pouvait rester éternellement méconnue.

Avec près de 2000 plats différents (certains disent plus de 3000!), la gastronomie du Pérou serait la plus diversifiée du monde. Une extraordinaire abondance, qui s'explique en grande partie par la variété géographique du pays, entre mer et montagne, jusqu'à l'Amazonie. En effet, le Pérou posséderait 84 des 104 écosystèmes que possède la planète! Ajoutez les nombreuses influences espagnole (riz, oignon, boeuf), japonaise (le savoir-faire du poisson) et chinoise (soya et gingembre) et vous obtiendrez une fusion unique, qui mijote depuis quelques siècles, voire quelques millénaires, puisqu'avant les Incas, les Mochicas cultivaient déjà l'art de la table.

Que la cuisine péruvienne soit aussi bonne pour la santé justifie aussi son émergence récente. Au-delà des classiques ceviches, jaleas et autres poulets braisés qui trônent au menu, certains chefs servent du quinoa, le macca (tubercule aux propriétés énergisantes) et même du lama, une viande sans cholestérol qui aurait la vertu de nettoyer les mauvaises graisses dans le sang. «On dit que la cuisine péruvienne se situe entre le plaisir de bien manger et la cuisine santé. D'ailleurs, c'est ce que les Asiatiques semblent retenir le plus», résume Martin Ore.

Avec une augmentation notable de son nombre de restaurants, le Montréal péruvien n'est pas en reste. Au delà des «classiques» comme Eche pa Echarle et Villa Wellington, qui existent depuis plus de 20 ans, de nouveaux établissements comme Sol y Mar, Mochica et Raza ont ouvert leurs portes au cours de la dernière décennie. Alors que le Pérou s'apprête à célébrer sa fête nationale (28 juillet), trois chefs ont accepté de partager un morceau de leur culture.