Des chefs français, espagnol ou suédois, à la cuisine innovante et créatrice, se sont rendus à Moscou dans le cadre d'un festival culinaire afin de rencontrer la nouvelle vague de cuisiniers russes, dans un pays où l'art culinaire renaît après les affres des années soviétiques.

Après s'être rendu trois années d'affilée à New York, le festival français Omnivore a choisi cette année de venir dans la capitale russe, afin de partager sa vision nouvelle de la gastronomie: une cuisine d'auteur, originale et recourant aux produits locaux.

«Il ne s'agit pas de faire du homard, du caviar, du foie gras, il s'agit de traiter du concombre, des pommes de terre, des poireaux mais de les faire et de les cuisiner de manière tout à fait originale», explique Luc Dubanchet, le fondateur d'Omnivore, un festival culinaire itinérant.

«Une carotte, un navet, un chou, ça fait une cuisine, y compris une cuisine créative», ajoute-t-il, citant les produits de base de l'alimentation russe.

Dans le cadre de la «cuisine jeune», les chefs «adaptent les produits sans esbroufe. C'est toute la différence entre une cuisine à la française un peu triple-étoilée, un peu guindée et une cuisine qui innove, qui invente, une cuisine qui va chercher le sens profond du produit, des goûts et des saveurs», explique M. Dubanchet.

Au programme du festival, ateliers de démonstration culinaire par les jeunes chefs russes et étrangers et organisation de dîners en commun.

Le chef français étoilé Julien Burlat a d'ailleurs spécialement amené des produits comme la salicorne, un légume introuvable à Moscou.

«Tout le monde ne peut pas comprendre cette cuisine (...) il y a beaucoup de produits que nous ne connaissons pas», a dit Alexandre Jourkine, un Russe trentenaire qui participait à un atelier.

Selon M. Dubanchet, environ 300 à 400 personnes ont pris part au festival à Moscou, un public composé à la fois de jeunes chefs à la recherche de savoir et d'inspiration, mais aussi d'amateurs passionnés de gastronomie, qui se font de plus en plus nombreux en Russie.

La Russie a vu éclore ces dernières années, pour l'instant surtout à l'usage d'un public jeune et aisé de Moscou et Saint-Pétersbourg, les magazines spécialisées sur la gastronomie, et les pages de critique gastronomique dans les journaux.

Mais les chefs russes estiment être des pionniers dans un pays où, au-delà du caviar, les plats connus se comptent sur les doigts de la main.

«Oui il y a une cuisine russe, une cuisine russe touristique comme il y a des poupées russes, mais pas plus à mon avis», estime Andreï Ryvkine, chef du restaurant gastronomique Dome à Moscou.

Il lie le manque de culture gastronomique en Russie aux années soviétiques au cours desquelles les traditions culinaires et le respect des produits se sont perdus.

«Nous en sommes aux tous premiers pas», indique-t-il.

«On n'est pas dans le pays le plus cultivé culinairement (...) mais c'est une ville avec une envie. C'est cela qui est essentiel en cuisine», renchérit Luc Dubanchet.

«Moscou est une ville plus réceptive que par exemple New York. Les choses sont moins établies, on sent une movida, une envie de manger différemment. New York est une ville qui est déjà un peu à satiété, où tout se passe, où tout a lieu. À Moscou tout est encore à créer, à faire», ajoute-il.

Le festival s'achève dimanche, mais les nouvelles idées et inspirations fusent déjà, par exemple pour Julien Burlat qui espère ajouter un borchtch - soupe de betterave très répandue en Russie - cuisiné à sa façon à la carte de son restaurant à Anvers, en Belgique.