Une banane un peu tachetée, une pomme qui ne brille pas, une salade un tantinet flétrie: les Japonais font la moue, n'achètent pas, obligeant les marchands à emballer fruits et légumes à l'unité dans des films spéciaux pour les conserver impeccables plus longtemps

«Les Japonais sont d'une exigence insensée vis-à-vis de la nourriture, particulièrement des produits frais», explique, Akao Tsutomu, «sommelier de légumes».

«Pour qu'ils achètent il faut une apparence parfaite: même si une banane un peu tachetée est en fait meilleure parce que plus sucrée, ils préfèrent a priori une autre bien jaune», cite-t-il en exemple.

Les Nippons sont en outre réticents à mettre dans leur panier de courses un fruit qui a pu être touché par une autre personne.

Les gérants de supermarchés nippons sont forcés de faire des rabais sur leur marchandise un peu dépérie en fin de journée pour tenter, coûte que coûte, de l'écouler.

Chaque année au Japon, 5 à 9 millions de tonnes d'aliments sont perdus, fruits et légumes en majorité, selon les statistiques du ministère de l'Agriculture.

Pour éviter d'en arriver à jeter quotidiennement des invendus, qui sont autant de pertes financières, la plupart des fruits et légumes sont emballés dans des sachets transparents, à base de polypropylène, qui étendent leur durée de conservation.

«Certains légumes comme les brocolis respirent beaucoup et peuvent sentir mauvais très rapidement», indique M. Tsutomu, qui est aussi chercheur pour la société Belle Green Wise.

Cette entreprise a conçu des sachets spécifiques qui ralentissent la perte d'eau des aliments frais et permettent ainsi de garder sans dommage plusieurs jours à température relativement élevée (25°C) des légumes frais, comme des épinards ou salades, ou des fruits très sensibles tels les kaki, mangues ou fraises.

Résultats de cinq ans de recherches et proposés aux professionnels de la chaîne agroalimentaire depuis environ trois ans, ces sachets sont désormais disponibles pour le grand public.

Ils sont efficaces avec de nombreux fruits et légumes et permettent aussi de conserver plus longtemps pimpantes certaines variétés de fleurs, assure M. Tsutomu.

Alors que les autorités japonaises s'inquiètent d'une augmentation du nombre de personnes en surpoids, les changements de mode de vie tendent à accentuer une dégradation de l'hygiène alimentaire, au détriment des produits frais.

Si dans les décennies antérieures les ménagères nippones faisaient chaque matin leurs commissions pour la cuisine du jour, «ces dernières années, les femmes sont de plus en plus souvent obligées de travailler à l'extérieur pour élever les revenus du foyer. Elles disposent de moins de temps pour aller au supermarché ou cuisiner et souhaitent des produits plus faciles à préparer qui reste en parfait état plus longtemps», souligne M. Tsutomu.

Sa société songe aussi à des emballages spéciaux pour mieux conserver les viandes et poissons crus.

L'emballage dans ces sachets facilite aussi l'exportation de produits frais nippons appréciés par de riches consommateurs d'autres pays d'Asie car d'une réelle beauté et grande qualité gustative.

Par ailleurs, dans un pays où les terres arables sont peu nombreuses, les bâtiments de culture (usines à légumes) se multiplient, mais les laitues ou tomates cultivées dans ces lieux aseptisés supportent ensuite difficilement la sortie à l'air libre, ce qui rend encore plus indispensable leur conservation sous film.