Quand le band de rap acadien Radio Radio part en tournée, les producteurs savent à quoi s'en tenir. Côté restaurants, on oublie les pizzerias glauques et les dîners au néon. Les gars aiment bien manger. Et cherchent les bonnes tables.

«Quand tu voyages, tu vois les salles de spectacle. Et tu vois les restaurants. Dans le fond, c'est ta seule image de la ville», explique Jacques Alphonse Doucet, un des trois membres de ceux qui sont entrés dans notre culture collective en chantant «Y'a de la place en masse dans mon jacuzzi...».

Donc pas question de ne fréquenter que des restos ennuyeux. Place, plutôt, à des expériences intéressantes. «Et là, précise Doucet, tu laisses la bouffe setter le pace de ta vie.»

Le seul problème, ajoute-t-il, c'est que les allocations quotidiennes ne sont jamais assez élevées pour couvrir leurs additions!

Nous sommes au Passé Composé, sur le Plateau, pour le brunch. Il est 11h. Deux des trois membres du band sont là, frais et dispos après un peu d'entraînement et prêts à attaquer un bon déjeuner copieux et raffiné. Ils parlent cuisine en chiac, ce franglais que l'on entend dans tout leur rap.

Gabriel Louis Bernard Malenfant raconte à Jacques son dernier coup de coeur du moment le livre Recettes de Papilles et molécules du collègue François Chartier et de Stéphane Modat. «C'est super new age! J'ai fait le saumon confit avec du xérès!» Jacques, lui, parle de son aversion pour les fruits et de techniques pour retirer l'eau des pommes de terre pour préparer de bons plats acadiens.

Les gars de Radio Radio, vous l'aurez compris, ne correspondent pas exactement à l'image décadente qu'on se fait souvent des musiciens et chanteurs de bands. On est loin de Gerry Boulet, de ses fêtes enfumées nourries surtout de bière et d'hallucinogènes. Leur passion, à part la musique, c'est beaucoup la gastronomie. Si vous entrez dans la cuisine de Doucet, vous n'y trouverez pas de cendriers encore pleins, mais plutôt des ronds en métal de cuisinier pour le tartare dont il se sert pour ses «râpures» acadiennes modernisées.

C'est en les rencontrant par hasard, l'hiver dernier, que j'ai réalisé à quel point les rappeurs, qui nous ont scotché dans le crâne «cargué dans ma chaise, ca-cargué dans ma chaise», adorent la cuisine et les restos. Ce sont des lecteurs assidus des critiques de restaurants de La Presse. J'ai failli m'étouffer quand le chanteur Jacques m'a expliqué plus tard que sa résolution du Nouvel An était d'apprendre à faire de la pâte à tarte.

En fait, j'aurais pu savoir que les trois rappeurs avaient un penchant pour la bonne chère. Sur leur site web, ils vendent leurs disques et des t-shirts, évidemment, mais aussi un petit livre intitulé Collection de recettes&cocktails de Radio Radio et autres conseils de style de vie. Et ils offrent aussi pour 1000$ un «Forfait suprême spécial de luxe fantastique exclusif» pour quatre personnes qu'ils décrivent ainsi «Choisissez une entrée, un mets principal et un cocktail à partir du livre de cuisine maison Recettes et cocktails favoris de Radio Radio et on s'occupe de tout!».

«On n'a pas toujours été comme ça», explique Gabriel. «On début, on mangeait plus de fast food que de bonne cuisine», ajoute Jacques. Mais tranquillement, «parce qu'on n'est pas à l'abri des tendances», les valises de vêtements des musiciens en tournée ont commencé à faire place aux sacs d'épicerie.

Jacques habite Hawksbury. Gabriel, Montréal. Les deux ont leurs adresses préférées. Jacques adore Au Pied de Cochon pour le foie gras. Il aime bien aussi Au Cinquième Péché, qui vient de déménager rue Saint-Denis. «Mais quand on vient back», précise Gabriel, on cuisine beaucoup à la maison. «Tu sais, les propriétaires, ils pensent toujours, quand ils louent leurs appartements à des musiciens, qu'ils prennent un risque à cause des partys et tout ça. Nous, tout ce qu'on veut c'est chill out et faire des accords mets-vins!»

En fait, la chose la plus délinquante que Gabriel ait faite récemment, dit-il, c'est d'installer un clan de homards dans sa baignoire. «Il n'y avait pas assez de place dans mon frigo.» Jacques profite de l'anecdote pour rappeler que, quand il était petit, son père échangeait les homards qu'il pêchait contre du baloney. «Le homard, c'était du manger de pauvres!»

Que cuisinent-ils donc, alors? «Mes plats préférés, lance Jacques tout de go, je ne pourrais pas les faire à ma mère.» Trop loin de la culture «beurre d'arachide et confiture» de son enfance. Il mentionne une sauce aux palourdes avec tomates et vin, mollusque qu'il mange cru quand il retourne chez lui, sur le bord de la mer, en Nouvelle-Écosse.

Gabriel parle de recettes de Jamie Oliver, le cuisinier britannique. L'auteur de son premier «cookbook de chef». En gros, leurs créations vont de «nacho nights» aux chaudrées de fruits de mer, en passant par les plats à la mijoteuse et les côtes levées. Gabriel aime bien faire un thon avec des asperges et des tomates séchées. «C'est simple, c'est pas trop lourd. Une bonne traite», dit-il. «Maintenant, je ne mange plus rien en boîte», précise Gabriel. Dans leur livre de cuisine, il est aussi question de bruschetta, d'hummus, de burgers à la morue salée...

«Ce que j'aime de la cuisine, résume Gabriel, c'est quand c'est bon et que l'expérience est là, dans un seul moment. Pendant ce temps-là, t'es juste là.»

Les bonnes adresses de Radio Radio

Au Cinquième péché

4475, rue Saint-Denis, Montréal

514-286-0123

Au Pied de cochon

536, av. Duluth Est, Montréal

514-281-1114

Auguste

82, Wellington Nord, Sherbrooke

819-565-9559

Passé Composé

950, rue Roy Est, Montréal

514-524-6663

Brasserie T!

1425, rue Jeanne-Mance, Montréal

514-282-0808

Chez Christophe à Clare

2655 route 1, Grosses Coques, Nouvelle-Écosse

www.chezchristophe.ca

902-837-5817

Poissonnerie Nouveau Falero

5726A, av. du Parc, Montréal

514-274-5541

Fruiterie Mile-End

5686, av. du Parc, Montréal

514-278-5576