La chocolatière montréalaise Geneviève Grandbois trépigne d'impatience. Dans quelques semaines, elle réalisera un grand rêve: goûter les premières fèves de cacao produites par sa propre plantation du Costa Rica.

«Je suis très, très excitée! lance la belle chocolatière. Les fèves seront-elles bonnes? Je l'espère, mais je ne le sais pas encore.»

L'attente aura été longue: cela fait cinq ans que la chocolatière a mis la main sur sa plantation de cacao au Costa Rica. La première récolte, l'an dernier, a été modeste: une dizaine de kilos dont elle n'a pas vu le moindre gramme, acceptant de permettre aux agriculteurs de vendre le cacao au village. La deuxième récolte n'a pas été plus fructueuse, en octobre dernier, mais cette fois, Geneviève Grandbois ne peut plus résister à l'envie de goûter enfin à ses fruits. Elle y tient tellement qu'elle ira elle-même chercher les huit kilos de fèves de cacao qui l'attendent pour écarter tout risque de perte dans le transport ou de pépin à la douane.

Une folie

Il faut dire que Geneviève Grandbois a travaillé dur, très dur pour ces huit petits kilos. Le rouge lui monte aux joues quand elle parle de sa plantation chérie, sa «belle folie», comme elle l'appelle encore aujourd'hui. C'est que le coup de foudre a été violent. Geneviève a acheté un terrain de 90 hectares, 10 fois plus grand que ce qu'elle projetait, avant même d'en avoir fait analyser la qualité du sol et des cacaoyers! C'était la première fois que la chocolatière tenait dans ses mains une fève de cacao fraîchement cueillie de son essence favorite et la plus réputée: le criollo. Le terrain compte une rivière, deux sources d'eau naturelle, des manguiers à foison, des monarques à tout vent... Résister? Pourquoi?

Sauf que voilà, les premières semaines, voire les premières années ont été très difficiles. Après l'achat, des experts lui ont confirmé ses craintes: les arbres étaient vieux et mal entretenus, le sol, pauvre et l'inclinaison du terrain, trop importante. Il a fallu repiquer de jeunes plants près de la rivière, où le sol est plus plat et plus riche, sur une superficie d'à peine un demi-hectare.

Les arbres donnent enfin des fruits, mais dire que leur production est maigre tient de l'euphémisme: elle ne permettrait de commercialiser qu'à peine six kilos de chocolat à 70%. Ne la cherchez donc pas tout de suite dans les étalages; cette cueillette servira essentiellement à faire des tests de goût qui dicteront la marche à suivre dans les prochains mois. Ce n'est que si les critères de qualité ultra-élevés de Mme Grandbois sont atteints que l'on pourra envisager d'étendre la production au bord de la rivière. Sinon, il faudra songer à greffer les plants avec une essence de cacaoyers aux parfums plus appréciables ou réviser les techniques de fermentation des grains, étape essentielle avant la transformation en tablettes de chocolat de couverture (la matière de base des chocolatiers). Mme Grandbois cherchera aussi à s'allier à d'autres producteurs costaricains pour créer une sorte de «Cuvée Geneviève Grandbois» d'un volume suffisant pour produire une collection de chocolats d'exception. La plantation n'assumera jamais qu'une faible partie de l'approvisionnement de la chocolatière montréalaise. Fait intéressant: les fèves pourraient être transformées ici en chocolat de couverture, par un cacaofévier québécois.

Pourquoi?

Pourquoi Geneviève Grandbois s'est-elle donné tout ce mal, alors que sa maison est déjà bien établie, avec un chiffre d'affaires dépassant le million de dollars? «Je pourrais avoir une vie beaucoup plus tranquille, c'est vrai!», dit-elle à la blague. Sauf que cette passionnée voulait coûte que coûte offrir un produit plus fidèle à ses valeurs  c'est-à-dire issu de l'agriculture biologique et équitable  qui répondrait aussi à ses normes gustatives. N'en trouvant pas sur le marché, elle a décidé de se lancer dans la production. Une façon, aussi, de boucler la boucle et de devenir une chocolatière aussi complète que possible, contrôlant la chaînede travail de la cueillette en pleine nature à la mise en vente dans de coquettes boutiques de Montréal.

Dans la même veine, elle rêve aussi de déplacer sa fabrique de chocolat dans une boutique-atelier plus ouverte aux regards du public. Le local n'est pas encore choisi, mais le déménagement pourrait avoir lieu dans la prochaine année: le Plateau-Mont-Royal et le Mile End sont dans sa ligne de mire. Geneviève Grandbois projette aussi d'ouvrir deux nouveaux bars à chocolat à Montréal, semblables à celui du Quartier DIX30 puis, à plus long terme, de s'implanter à New York.

Des chocolats à prix mini

C'était un secret bien gardé jusqu'à maintenant: Geneviève Grandbois vend ses chocolats imparfaits à 50% de rabais tous les jeudis, de midi à 17h, dans son atelier du Mile End. Les défauts sont strictement esthétiques: les bouchées sont moins belles mais pas moins bonnes. Quantités et parfums variés. Notez que la fabrique de chocolat n'est pas ouverte au public. La vente se fait à la réception.

Chocolats Geneviève Grandbois, 6750, avenue de l'Esplanade, local 100. 514-270-4508. www.chocolatsgg.com

Retomber en enfance pour Noël

Le chocolat aurait-il des vertus rajeunissantes? C'est le pari de Geneviève Grandbois qui propose depuis l'an dernier avec sa collection Souvenirs d'enfance: faire un retour dans le passé en retrouvant le plaisir de croquer les friandises tant aimées  et convoitées! - quand on était gamins. En versions revues et corrigées, bien sûr, par la maître chocolatière. Le chocolat aux cerises est devenu dans sa fabrique le Cherise: une griotte dans une enveloppe de chocolat noir aux amandes grillées, le «whippet» est une Guimôve parfumée à la vanille naturelle, posée sur un sablé au gianduja. Au total: cinq souvenirs forment la collection avec l'arrivée cet automne sur les tablettes d'«Une fois fondue», son nouveau mélange à fondue au chocolat, nougat et éclats d'amandes. Parfaits pour le bas de Noël de petits et grands.

Une fois fondue: 20$ pour 265 g.

Chocolats souvenirs d'enfance  (Cherise, Guimôve, Mougat et Coconote): 5,75$ l'unité.