Jerry Greenfield, le cofondateur de la fameuse entreprise de fabrication de crème glacée du Vermont Ben&Jerry's, était de passage à Toronto la semaine dernière, pour dévoiler une nouvelle saveur et, surtout, son tout dernier partenariat pour un bonne cause: les enfants défavorisés et le hockey. Nous l'avons rencontré pour jaser causes sociales, crème glacée et bizness. Rencontre avec un homme d'affaires pas comme les autres.

«Vous savez, je ne devrais probablement pas dire ça, mais ce qui m'intéresse dans la vie, c'est pas vraiment de vendre de la crème glacée.»

 

La remarque, venant du cofondateur d'un success story du Vermont, peut sembler tout à fait déplacée. Mais ce serait mal connaître Jerry Greenfield, et le parcours complètement loufoque qui l'a mené, lui et son pot Ben Cohen, deux jeunes hippies nuls en éducation physique, à se lancer dans la fabrication de crème glacée (après avoir suivi un cours par correspondance à 5$!). Leur premier kiosque, bien avant l'usine (que plusieurs qualifient de parc d'attraction à la Disney), était dans une vieille station service délabrée!

Mais revenons à Jerry. Nous sommes assis ensemble, dans un aréna communautaire, Moss Park Arena, située au coeur de l'un des quartiers les plus défavorisés de Toronto. En face, l'Armée du Salut. À côté, un Dollarama. Un employé nous confirme fièrement qu'il s'agit d'un des seuls arénas au pays où les jeunes peuvent venir jouer gratuitement au hockey.

Et c'est ici, donc, que Jerry Greenfield a voulu lancer sa toute nouvelle saveur (Tour du chapeau, une overdose de glace au caramel, avec tourbillons de caramel et morceaux de caramel enrobés de fudge), et surtout son tout dernier partenariat avec le programme Goals and Dreams de l'Association des joueurs de la Ligue nationale de hockey, qui vient en aide aux jeunes amateurs de hockey défavorisés. Pour chaque pot vendu, environ 10 cents iront au programme. On espère amasser plusieurs dizaines de milliers de dollars, nous confirme un relationniste de Ben&Jerry's. C'est que M. Jerry ne connaît même pas les détails de l'entente. «Croyez-le ou non, je n'en sais rien», répond-il tout bonnement, lors de la conférence de presse. Ce qui le branche, lui, au delà de vendre de la glace (une glace qu'il ne vend d'ailleurs plus du tout, en fait, depuis le rachat de sa compagnie par le géant Unilever en 2000), ce sont les causes sociales. Depuis la passation de pouvoirs, donc, il ne s'occupe que de cela: «Je fais ce que j'aime, j'implique la compagnie dans des causes sociales.» Non, les relations avec le géant Unilever n'ont pas toujours été roses. Jerry ne voulait pas vendre, et il ne s'en cache pas. «Mais nous étions inscrits en Bourse.» Et ils n'ont pas eu le choix. Aujourd'hui, Jerry ne sait même pas quels ingrédients entrent dans les plus récentes recettes. Par contre, il est au fait des derniers développements de la compagnie, qui s'est engagée récemment à importer ses matières premières exclusivement de commerçants équitables, et ce d'ici 2013.

Ce n'est pas la première fois que la glace prend position en faveur d'une cause. À la fin des années 80, Ben&Jerry's ont baptisé une glace «Peace Pop». «C'était en pleine guerre froide. Nous voulions attirer l'attention des gens sur l'importance de financer non pas l'armement, mais les organismes pacifistes. Parce que c'est beaucoup plus efficace qu'une bombe, pour résoudre un conflit.»

Depuis, plusieurs autres glaces ont ainsi fait parler d'elles. La dernière en lice: la Chubby Hubby, rebaptisée récemment la Hubby Hubby, en référence à la toute récente légalisation des mariages entre conjoints de même sexe, au Vermont.

«Nous avons toujours eu une conscience sociale. Et en grandissant, quand j'ai vu que le but des grosses entreprises, c'était de faire de l'argent, je me suis dit: c'est pas pour moi. Pour moi, une entreprise, c'est un voisin. C'est quelqu'un qui utilise son influence à des fins sociales.» Et c'est exactement ce qu'il fait.

Les frais de voyage de ce reportage ont été payés par Ben