À Londres ou Tokyo, une seule tasse peut coûter de 20 à 50 dollars. Pour le plus grand plaisir des producteurs de «kopi luwak», le «café le plus cher du monde» qui est récolté dans les crottes d'un petit mammifère choyé en Indonésie.

Dans sa plantation de l'île de Sumatra, Gunawan Supriadi est un homme «très occupé». Il consacre son temps à nourrir et bichonner une cinquantaine de civettes, dont l'apparence ressemble à celle des chats sauvages avec un museau pointu.

Il surveille surtout attentivement leurs excréments, son trésor et sa principale source de revenus. «Je donne à manger des cerises de café aux civettes. Mais elles ne digèrent pas les grains, qui sont rejetés par les voies naturelles», explique le producteur.

Une fois lavés, séchés puis torréfiés, ces grains donnent le «kopi luwak» («café de civette» en indonésien), dont le goût caramélisé fait fondre de plaisir de nombreux amateurs de café dans le monde.

Ces derniers sont de plus en plus nombreux et les producteurs indonésiens, pour la plupart de petits exploitants, peinent à répondre au bond de la demande.

«En 2008, j'ai vendu environ 50 kilos de grains de luwak. En 2009, 300 kilos. Et l'an dernier, j'en ai cédé 1,2 tonne», se félicite M. Supriadi, installé dans la province de Lampung, place forte du café en Indonésie.

«Mon objectif est de posséder 150 civettes rapidement afin de pouvoir suivre les commandes», précise-t-il.

Le «luwak» peut être négocié jusqu'à plusieurs centaines de dollars le kilo en Europe, aux États-Unis ou dans les pays d'Asie les plus développés comme le Japon ou Singapour.

Il est ensuite vendu au détail dans des épiceries fines ou dégusté dans des cafés très chics, où il est toujours le plus cher sur la carte, jusqu'à un record de 100 dollars à Londres.

«Si le luwak était une voiture, ce serait une Rolls-Royce», résume M. Supriadi.

L'un des principaux exportateurs indonésiens, Doni Irawan, affirme que ses ventes ont bondi de 50% l'an dernier. «C'est devenu l'impératif des cafés en raison de son prix et de sa rareté. Il ne cesse de gagner de nouveaux amateurs», s'enthousiasme-t-il.

Mais, en raison de ce succès, l'appellation est parfois galvaudée, avec la mise en vente de paquets ne contenant qu'une infime quantité de réel «kopi luwak». Des entrepreneurs vietnamiens ont même annoncé avoir développé un procédé chimique permettant de traiter les grains pour leur donner le goût du «luwak».

L'arôme particulier de ce café s'explique par le processus de fermentation que subit le grain au contact des acides gastriques dans le tube digestif de la civette.

Le «luwak» est produit dans de nombreuses îles -Sumatra, Java, Bali, Sulawesi- de l'immense archipel indonésien, ainsi qu'aux Philippines et au Timor oriental. Mais aucune statistique officielle n'est disponible sur les volumes ou les exportations.

Avant d'être popularisé, le «luwak» était une boisson raffinée réservée aux sultans et à leurs hôtes de marque depuis l'occupation de l'Indonésie par les Néerlandais.

Il est désormais considéré comme chic par la nouvelle bourgeoisie de Jakarta, qui le déguste dans les cafés spécialisés des centres commerciaux luxueux.

«Je n'aimais pas tellement le café, mais j'ai changé d'idée lorsque j'ai goûté le luwak. Je suis devenu accro», témoigne Galang Sulung Ramanda, un jeune entrepreneur de 24 ans. «Je le bois aussi pour la santé. J'ai entendu dire qu'il permettait de prévenir la maladie de Parkinson, le cancer du côlon et le diabète».