«Elle court les concours», chantait le vieux rocker. Beaucoup d'amateurs de vin, eux, courent les dégustations avec tout autant de constance que l'héroïne de Charlebois. Vins de Bordeaux, de Bourgogne, de Californie, d'Italie?

«Toujours prêts!» clament-ils vaillamment.

Or, les participants à ces multiples dégustations sont souvent nombreux, n'est-ce pas?

Le nez plongé tout au fond de leur verre, certains dégustateurs, doutant encore de leurs capacités gustatives, s'accommodent fort bien de l'anonymat qui en résulte.

 

Intimidés, ils n'ouvrent jamais la bouche (sinon pour cracher, souvent à côté du crachoir, hélas!), gardent les yeux baissés, ne regardent ni à droite ni à gauche, et ne font pas plus de bruit que des mouches à fruits.

D'autres, dont l'ego est gros, souffrent terriblement, tout au contraire, de cet affreux anonymat.

Habitués à ce qu'on les remarque partout où ils passent, ils cherchent donc, par tous les moyens, à signaler leur présence.

Voici, à leur intention, quelques suggestions susceptibles de les aider à se faire remarquer, qu'il s'agisse de simples dégustations ou de dégustations suivies d'un repas.

Les 12 règles

1. Toujours arriver en retard d'au moins 15 minutes (idéalement 20 minutes), ce qui est la règle la plus importante de toutes. D'entrée de jeu, toutes les têtes se lèvent - tout le monde voit le nouvel arrivant.

2. Aller (si possible) saluer l'animateur de l'événement et lui serrer la main en s'excusant - à haute voix préférablement - de son retard.

3. S'installer, en faisant du tapage. Bruit de chaise, stylo qu'on laisse tomber. Etc.

4. Faire le plus de bruit possible en dégustant. Cracher vigoureusement, grommeler, commenter les vins à mi-voix, assez fort pour que les voisins entendent.

Le temps venu pour le public de commenter les vins, prendre la parole aussitôt. Puis, dire du mal du plus grand nombre de vins possible (mais diplomatiquement, en mettant ses gants blancs), et du bien d'un seul vin.

5. S'il y a repas, se précipiter pour prendre la place la plus rapprochée possible de l'animateur. À sa droite ou à sa gauche, ou en face de lui au pis-aller.

6. Parler fort, mettre le sujet sur l'influence de Parker (Robert), le calomnier vigoureusement, en soulignant que son influence diminue. Insister fortement sur ce point.

7. Puis, ridiculiser les vins qu'aime Parker.

8. Ne parler que de vin pendant toute la durée du repas.

9. Trouver toutes les raisons imaginables de critiquer les mets.

10. Manger sans appétit, chipoter.

11. Le chef venu saluer les convives en fin de repas, le féliciter néanmoins sur un point. Par exemple, en ce qui regarde la cuisson d'un légume.

12. Enfin, avant de partir, coup de chapeau (on est quand même poli) - louer la qualité du café.

C'est là tout l'art de ne pas passer inaperçu...

Deux vins blancs

Bien qu'on juge que c'est un vin à boire jeune, le Muscadet vieillit admirablement, cinq ans et plus, sinon le double ou le triple! Tel sera l'évolution, me semble-t-il, du Muscadet Sèvre et Maine sur Lie 2007 Château de la Chesnaie, d'un jaune assez soutenu pour ces vins, et dont le bouquet, net, peu aromatique, n'est pas sans rappeler les vins de Chardonnay non boisés. Vin goûteux, et qui a du corps comme Muscadet, renfermant une certaine quantité de gaz carbonique, il est marqué en fin de bouche par une bonne acidité. À boire ou à attendre. 12% d'alcool (71 caisses).

S, 10 689 614, 16,75$, **, ou 14,8/20, $$, 2009-2016.

Goûté dans six ou sept ans, sans doute méritera-t-il alors ses trois étoiles!

Aussi de la Loire, le Pouilly-Fumé 2007 La Moynerie, d'une couleur un peu verdâtre, donne déjà, lui, tout ce que de tels vins de Sauvignon blanc peuvent donner! Bouquet exubérant, typé, non boisé, aux arômes nets, ce à quoi succède une bouche aux saveurs insistantes, cristallines (si l'on peut dire), distinguée, avec cette vivacité qu'on attend de cette appellation et de sa voisine Sancerre. Très -très- bon. 13% d'alcool (120 caisses).

S, 962 340, 25,10$, ***, 16,5/20, $$$, 2009-2010.

Un vin rouge

Les amateurs de vins puissants -mais sans lourdeur- trouveront leur bonheur grâce au Côtes du Roussillon Villages 2007 Les Millères Domaine Gardiès, à la robe quasi opaque, somptueuse, et dont le très riche bouquet de fruits noirs (mûres, cerises noires, etc.) se pare également d'une nuance évoquant... le Cahors et ses notes d'encre. La bouche suit, compacte, pleine, comme on dit, corpulente, et à ce point généreuse qu'on ne se rend pas compte que ce vin titre 15% d'alcool! 40% Grenache, 30% Syrah, 20% Carignan et 5% Mourvèdre, avec élevage en cuve (50%) et pour le reste en demi-muids (600 litres) et en fûts (146 caisses).

S, 10 781 402, 24,50$, ***1/2, 17,8/20, $$$, 2009-2015.

Dégustés pour vous

Coteaux du Languedoc 2007 Comtes de Rocquefeuil. Vin rouge de corps moyen, tout en fruit, souple, et véritable salade de fruits puisque cinq cépages entrent dans son élaboration. Les fruits rouges dominent dans le bouquet, avec des notes un peu épicées (genre bonbon anglais). À servir rafraîchi. 13 % d'alcool (6604 caisses).

C, 473132, 12,20 $, **, 14,8/20, $1/2, 2009-2010.