Quand j'étais petite, manger des mets chinois, car c'est ainsi qu'on appelait cela, consistait à prendre un repas composé de« egg rolls » trempés dans une sauce à l'orangé improbable, de chow mein ou de chop sui, de mini-côtes levées à la sauce aux prunes hyper sucrée et de biscuits à la poudre d'amandes. D'où venait cette cuisine? D'immigrants chinois arrivés au Canada à la fin du 19e et au début du 20e siècle, qui avaient eu largement le temps d'adapter leur cuisine aux produits et aux goûts d'ici.

Puis, dans les années 80, le menu a commencé à changer. Les mu-shu au canard sont apparus, avec le «poulet du général Tao» et le boeuf à l'orange. Des plats épicés, dits séchouanais - mais en réalité adaptés aux États-Unis - qui avaient toutefois la qualité d'apporter à la cuisine chinoise un nouvel exotisme rafraîchissant et pimenté.

Dans les années 90, avec l'arrivée de nombreux immigrants chinois venus de Hong Kong, ce sont les dim sum qui ont fait leur apparition. Shu-mai vapeur, boules de riz farcies, brocoli à la sauce aux huîtres.

Aujourd'hui, nous entrons encore dans une nouvelle époque. Une époque cuisinée par de jeunes Montréalais d'origine chinoise arrivés depuis trois, cinq ou sept ans et qui préparent à Montréal une cuisine plus authentique que jamais qui se décline autour de deux axes principaux : nouilles et dumplings d'une part et « hot pots » d'autre part.

Souvent arrivée ici comme étudiants, cette nouvelle génération s'est installée non pas dans le Quartier chinois traditionnel ni à Brossard, mais autour de l'Université Concordia, dans l'ouest du centre-ville, où un nouveau Chinatown ouest est en train d'émerger.

Il y a quelques semaines, je suis partie explorer ce quartier et j'y ai fait deux agréables découvertes. Un restaurant séchouanais dont la chef vient réellement de la région de Séchouan et qui s'appelle, tenez-vous bien, Szechuan Cuisine. Et un autre, tenu par une autre dame, qui se spécialise, lui, dans les dumplings de la région de Liaoning, dans le nord-est du pays.

Szechuan Cuisine

Installé dans un demi-sous-sol de la rue Guy, juste au sud de Sherbrooke, depuis environ cinq mois, ce restaurant n'est pas coquet mais pas du tout glauque non plus. Un mur de pierres anciennes et une certaine sobriété dans la décoration lui donnent même une certaine élégance au premier regard.

On y mange de la cuisine épicée. Très épicée. Lieu de retrouvailles des étudiants d'origines chinoises ou de Montréalais comme Yung Chang, réalisateur du documentaire Up the Yangtze, ce restaurant ne fait pas de compromis côté authenticité. Qu'on y commande un immense bol de soupe à l'agneau hyper épicée, remplie de chou napa, de pousses de lotus et de haricots, ou qu'on choisisse le « hot pot » avec boeuf, poisson ou poulet et beaucoup, beaucoup de piment, on a fermement l'impression d'être aussi près du Séchouan qu'on puisse l'être à Montréal.

Les amateurs de cuisine peut-être un peu moins relevée opteront pour le boeuf au cumin hyper parfumé ou les haricots verts frits au porc, rencontre allumée entre la fraîcheur des haricots verts à peine cuits et d'une riche garniture au porc haché. Il y a même carrément du chow mein avec nouilles frites pour ceux qui ne veulent pas s'aventurer très loin et du poulet du général Tao. Mais, confirme le gérant au sujet de ce dernier plat, «c'est en arrivant ici que j'ai entendu parler de ça la première fois.»

Qing Hua

Mon autre découverte s'appelle Qing Hua et ce mini-restaurant est caché lui aussi dans un demi-sous-sol depuis janvier, mais rue Saint-Marc cette fois, juste au sud de Tupper. C'est tout petit. Pas du tout décoré, mis à part un menu écrit en chinois sur des baguettes de bois accrochées au mur. Et il n'y a que trois tables. C'est très minimaliste. Et on y va pour manger essentiellement une chose, des dumplings.

Car chez Qing Hua, on est dans le nord-est de la Chine, dans une région appelée Liaoning où le dumpling règne en roi. Les dumplings y sont donc faits minutieusement, avec le respect qu'il se doit. Tout est préparé maison, de la pâte à la farce et c'est à la main, au fur et à mesure qu'arrivent les commandes des clients, qu'on remplit les ravioles de viande et de bouillon. Une petite fenêtre aménagée dans le mur permet de regarder le travail qui se fait en cuisine.

«Les Blancs appellent ça des dumplings à la soupe. Nous on appelle ça plutôt des dumplings juteux», m'explique la propriétaire, qui ne veut pas me dire comment elle prépare ces petits délices qui éclatent en bouche, chauds, juteux et savoureux. Parfois préparés avec du porc et du choux, parfois avec de l'agneau et de l'oignon - en fait, la liste de combinaisons d'ingrédients que l'on peut demander est assez longue, mais j'ai préféré, chaque fois, les laisser choisir pour moi - on les trempe dans une sauce au vinaigre noir, à la sauce soya et au piment avant de les dévorer d'un seul coup. Si on prend une bouchée, le bouillon coule. Cet été, on nous promet aussi toute une nouvelle variété de dumpling aux fruits de mer. Il faut dire que Dalian, la ville d'où viennent le jeune couple de propriétaires, est une ville maritime et que dumplings aux poissons et aux coquillages y sont une spécialité.

Comme tout est fait au fur et à mesure, il faut attendre un peu avant que le repas n'arrive sur la table, mais on peut appeler à l'avance si on veut que tout soit prêt à notre arrivée.

Le restaurant offre aussi quelques plats autres que des dumplings, comme une soupe au boeuf séché avec oignons verts, piment doux, coriandre hachée et une bonne dose de nouilles fraîches qui glissent sous la dent, moelleuses et douces. __________________________

Szechuan Cuisine

2350, rue Guy

Montréal

514-933-5041


> Prix : On commande toutes sortes de plats et on partage. Tout inclus, le soir, en s'en sort aisément pour environ 20 $ par personne. Peut-être même moins.

On y retourne ? Oui, surtout quand on a une envie de piquant !

Qing Hua

1240 Saint-Marc

Montréal

438-288-5366


> Prix : Si l'on prend un drink - je recommande le jus de litchi-noix-de-coco - et qu'on mange une assiette de dumplings, on s'en sort pour une dizaine de dollars tout inclus.

On y retourne ? Oh oui. Pour des dumplings et encore des dumplings.