Si vous devez un jour rester coincé sur une terrasse, à l'abri sous un toit de toile, pendant qu'un orage d'une violence inouïe passe au-dessus de Montréal, je vous souhaite que ce soit la terrasse du château Ramezay.

On vous offrira alors un verre de moelleux à siroter en attendant que la folie météorologique s'apaise. Et vous n'aurez qu'une envie: profiter des précipitations hystériques pour décrocher complètement et passer l'après-midi à faire l'école buissonnière en commandant une autre tournée de bulles du Jura à déguster en compagnie de vos compagnons d'infortune et autres amis spontanés, cadeaux du ciel.

C'est un petit peu ce qui m'est arrivé la dernière fois que j'y suis allée. Malheureusement, il a fallu un jour quitter ce chapiteau pour retourner au travail mais plus j'y pense et plus je me dis que la prochaine fois, j'y resterai. Peu importe l'eau qui peut commencer à recouvrir les cailloux gris de la terrasse. Peu importe les articles à écrire.

Quand un restaurant nous donne envie d'y rester, sans raison, c'est que la vraie détente n'est pas loin. OK, ça peut finir par coûter un peu cher, mais ces moments arrivent combien de fois dans une année?

La terrasse du château Ramezay est installée, comme son nom l'indique, derrière ce musée du Vieux-Montréal, à deux pas de la place Jacques-Cartier et du restaurant Le Club chasse et pêche qui, depuis le début de l'été, y a installé ses pénates afin de pouvoir servir le lunch.

La terrasse n'est pas nouvelle. Autrefois, les gens du café Claude Postel s'y déposaient pour l'été, offrant sandwichs et salades simples dans un décor qui justifiait totalement le déplacement. Maintenant, avec la cuisine de Claude Pelletier, pour des prix à peine plus élevés, on frappe un coup double: une terrasse surplombant un jardin splendide et une cuisine recherchée, précise et fraîche.

Les amateurs du Club chasse et pêche ont de quoi être heureux de ce nouveau développement car le restaurant, dans sa cave aux murs de pierre, avec ses très confortables fauteuils de cuir, splendidement réconfortant en hiver et en automne, devient un peu décalé en été. On l'oublie même quand le beau temps arrive, pressés que nous sommes d'être présents pour la moindre sortie du soleil.

Là, on règle la question de façon grandiose puisque les jardins du château Ramezay nous propulsent en vacances en Europe avec leur netteté et leur fraîcheur urbaine. On se surprend même à rêver que le chef un jour puisse aller chercher tous ses légumes dans le potager en contrebas. En pleine ville. Pourquoi pas?

En attendant, le menu fait quand même une belle place à la verdure avec quelques salades en entrée dont un plat d'asperges aux agrumes qui transforme ces légumes printaniers en symphonie croquante et acidulée, complexe sans être compliquée.

Le ceviche de pétoncles, construit lui aussi autour des notes vitaminées des agrumes - jus d'yuzu notamment et suprêmes de mandarine - brille également par sa netteté fraîche, rehaussée par la délicate et savoureuse amertume d'un émincé croquant de jicama.

En plat principal, on peut aller tout autant du côté du homard froid que de la quesadilla au poulet, qui justifie tout à fait sa présence sur un menu comptant pourtant des plats aussi nobles que le foie gras. Est-ce la confiture d'oignon qui ajoute ce goût de fumé, ou l'assaisonnement des tendres morceaux de volaille? Ça ne peut être le brie fondu... Peu importe. Contenue dans une tortilla bien grillée et donc croquante sous la dent, cette quesadilla, parée de gouttes de crème fraîche et de minicubes de poivrons rouges, joue dans la cour peut-être pas des grands mais des élégants.

Le poisson, un flétan poché, très blanc, était quant à lui d'une très (trop?) grande simplicité. Accompagné d'aubergines, de tomates confites et d'olives particulièrement dodues et savoureuses, il aurait pu être un peu plus moelleux, comme la truite de Tasmanie mangée à une autre occasion avec sensiblement les mêmes accompagnements.

Mais toute trace de déception est vite disparue quand est arrivé le dessert, une délicate crème gélifiée au chocolat au lait déposée sur un biscuit caramélisé explosant de saveurs de noisettes grillées et accompagnée d'une glace aux marrons à la texture impeccable et sagement sucrée.

La chef pâtissière du Club chasse et pêche, Masami Waki, est géniale.

En fait, c'est pour ça, je crois, que j'espérais que l'orage dure jusqu'au goûter: pour pouvoir commander un autre dessert. Ou le même, une autre fois.



www.leclubchasseetpeche.com


Le restaurant est ouvert uniquement le midi, du lundi au vendredi.

La terrasse du Club chasse et pêche

En arrière du château Ramezay, 280, rue Notre-Dame Est; 514-861-1112.

Prix: entrées entre 7$ et 9$. Plats principaux entre 12$ (quesadilla) et 32$ (homard). Desserts: 7$.

Vin: la carte est différente de celle du Club chasse et pêche mais lui ressemble avec ses nombreuses importations privées et son penchant pour les petits producteurs. Lors de nos passages, on nous a recommandé un riesling allemand et du crémant du Jura au verre, notamment, mais on aurait pu préférer de classiques bourgognes et autres sancerres ou même du rosé. Prix allant, en gros, de 6,50$ à 13$ au verre.

Genre: cuisine précise, moderne, raffinée, laissant une belle place aux poissons et autres produits frais.

Faune: gens d'affaires travaillant dans le Vieux-Montréal, dames revenant de voyages en Europe, habitués du Club et autres collègues célébrant en groupe une belle occasion.

Décor: les splendides jardins à la française du château Ramezay.

+ Le lieu et la cuisine.

- Il y a peu de tables, donc ce n'est pas toujours facile d'en réserver une. Mieux vaut s'y prendre à l'avance.