Coup de coeur cette semaine au Big in Japan, sorte de petit bistro (izakaya) pour les repas de tous les jours. Or, l'izakaya est une institution un peu particulière dans la culture japonaise. Souvent annoncé par une lanterne rouge en papier sur laquelle est écrit le nom de la maison, c'est un croisement entre le pub anglais et le bar à tapas espagnol. Un endroit où boire de la bière ou du saké et manger des choses un peu moins sérieuses que les sushis ou les plats de grande cuisine.

Le décor annonce un peu les couleurs, de manière figurative du moins : excentrique, un peu décalé, moderne, mais légèrement confit dans une sorte de vintage des années 60 et 70, il fait un usage original et habile de matières recyclées dans la disposition asymétrique des salles (il y en a deux, séparées par la cuisine ouverte) et l'espace de travail. Certes, on trouve les lanternes, des inscriptions en japonais, mais aussi des figures de la culture japonaise contemporaine et des signes d'un précédent occupant - un snack-bar - auquel on fait constamment référence par les comptoirs en formica, l'emploi de bancs ronds et de banquettes très sixties qui habillent un peu l'arrière-salle. Au menu, ce sera la même surprenante touche anticliché. Et on y croit puisque l'équipe en cuisine est entièrement constituée de Japonais, sérieux comme des papes. Ça nous change des bars à sushis tenus par des Vietnamiens ou des Chinois, dont l'interprétation souvent très correcte de cette cuisine ne les empêche pas de faire parfois des entourloupettes.

Au Big, on fait plutôt dans le petit. Des entrées en portions réduites, quelques sandwichs nullement banals qu'on appelle presque affectueusement «dog» - au porc croustillant, au poulet frit, aux croquettes - et des salades inhabituelles. Ce qui nous amène à dire que les Japonais, contrairement aux Chinois, aiment bien les légumes crus ou cuits, agrémentés de touches aigrelettes, parfois sucrées ou fermentées. La cuisine rurale japonaise en fait grand usage. On en trouve un modeste échantillon au menu du soir : des fèves de soja vertes « edamame », une salade de daikon et de carottes, un plat de tomates épicées, un autre de tofu servi froid, un plat de haricots verts bouillis garnis de sésame noir - tout à fait succulent - et une salade de nouilles ramen (des nouilles de blé d'origine chinoise) servie froide. De plus, c'est assez désarmant, cette préparation nourrissante, mais un peu diaphane et dénuée d'artifice et de déflagrations. Du tofu frit se présente aussi comme un petit gâteau, farci de riz un peu gluant et passé en grande friture au «panko». Ça évoque les «arancini» siciliens, avec cette petite croûte ferme. Les dumplings version nippone sont poêlés, farcis de porc haché et servis avec un peu de sauce soja. Et ils sont tout à fait délicieux.

Côté entrée en matière, ça swingue, ce petit troquet. Les plats sont moins «sexy» - ils manquent un peu de goût - mais sont pourtant joliment présentés : un ragoût de pommes de terre et de porc, ou des côtes levées au thé vert, deux viandes préparées différemment et qui, malheureusement, manquaient d'une petite touche salée. Elles fondaient tout de même en bouche, longuement et surtout lentement cuites avec très peu d'aromates. La maison propose aussi deux « grandes » assiettes, l'une de friture de brochettes «kushi-mori», l'autre de grillades «yaki mono» : crevettes, poulet, calmars, porc, champignons, tofu, un peu de verdure... Des plats sans tape-à-l'oeil, un peu naïfs et bruts, facturés 16 $ et amplement suffisants pour rassasier deux personnes. Nous en laissons presque la moitié et passons à la finale, un parfait de crème glacée, de haricots rouges, de matcha et d'un sirop, un peu trop pour la fin, mais joliment kitsch tout de même.

En un mot, Big in Japan est une bonne addition au paysage montréalais par son originalité et son audace de prouver que la cuisine japonaise peut aussi être jouissive et pas vaporeuse du tout !

Big in Japan

3723, boulevard Saint-Laurent, Montréal

514-847-2222

Prix : Des entrées à 6 $ et moins, des plats de 6 $ à 16 $, environ.

Faune : Typique de ce quartier strident et féroce : étudiants, jeunes branchés de la pub, quelques Japonais tatoués en chaussures de course rose bonbon, un mendiant ou deux demandant des sous aux arrivants, quelques couples en tenue de sport, une dame devant son MacBook.

Service : Impeccable, il connaît la cuisine, le menu, les ingrédients et parle avec humour et autorité. On se sent pris en charge par quelqu'un de très bien du nom d'André... un Vietnamien !

Vin : Surtout de la bière et du saké servi au verre et surtout bien froid. Profitez-en pour essayer des marques hors des sentiers battus.

Les prix incluent les taxes - une petite attention supplémentaire, quoi !

Un petit travail à accomplir côté goût, assaisonnements un peu malingres.

On y retourne ? Tout à fait. Et avec toutes sortes de gens, patrons, amis japonais, douce moitié ou autres proximités !