Il n'y a pas de doute: le restaurant qui fait le plus parler de lui depuis le début de l'année, c'est Le filet. Installé avenue du Mont-Royal Ouest, en face du parc Jeanne-Mance, le nouvel établissement démarré notamment par le tandem qui nous a donné Le club chasse et pêche, Hubert Marsolais et le chef Claude Pelletier, a créé tout un engouement et attire les foules.

«Es-tu allée au Filet?», «Est-ce que Le filet est aussi cool qu'on le dit?», «Sais-tu qui j'ai vu l'autre jour au Filet?»

Depuis l'ouverture du restaurant à la mi-février, on me bombarde de questions.

Donc voilà, à tous ceux qui me l'ont demandé directement, m'ont écrit, m'ont «twitté» la question, je peux finalement répondre. Oui, je suis allée au Filet.

Et voici ce que j'en pense. J'ai trouvé ça très bruyant (comme de plus en plus de restaurants d'ailleurs). Je ne suis pas convaincue d'aimer le décor «boîte de nuit avant-gardiste» tout noir avec son plafond bas, malgré les deux oeuvres lumineuses de Geneviève Cadieux et Nicolas Baier. Et j'ai eu par moments l'impression de me retrouver un petit peu dans un univers très glam, me rappelant le boulevard Saint-Laurent des années 90, avec vedettes, bronzage et cheveux bouffants. Cela dit, j'ai beaucoup aimé ce que j'y ai mangé, le vin qu'on m'a servi, le service et l'accueil.

D'abord, le service et l'accueil sont menés de main de maître par des pros. Toutes sortes de gens m'ont raconté la même anecdote: «On a essayé de réserver et il n'y avait pas de place, mais on nous en a finalement trouvé une, même si on a dû attendre un peu.» Et chacune de ces personnes avait l'impression d'avoir eu un traitement particulier. Pour les tables, on est allés chercher plusieurs serveurs d'expérience. Les explications sont claires. Le contact est facile. On est bien traités.

Dans l'assiette, on joue dans la modernité. On n'est pas dans le style brasserie si omniprésent à Montréal, ni dans la cuisine bistro non plus. Les classiques sont loin. On adapte plutôt une certaine approche «fine cuisine française créative» au format tapas, avec beaucoup de légèreté et beaucoup d'influences asiatiques. Le tout en faisant une grande place au poisson. Si vous êtes prêt à passer à autre chose que l'extra-beurre, les charcuteries et les viandes très riches des restaurants à la mode, voilà la bonne adresse.

Bémol cependant: il peut être difficile de savoir combien de plats commander, puisqu'il n'y a pas de différence entre les entrées et les plats principaux, aux portions variables et pas tous faciles à partager.

Un coup de coeur

Cela dit, il y a vraiment beaucoup de bonnes choses dans ces confections. À notre table, nous avons eu un immense coup de coeur pour la salade de pétoncle, d'asperge et d'avocat, avec chips de betterave et notes d'orange et de menthe. Le pétoncle est à peine cuit, encore très moelleux et se fond dans la douceur de l'avocat alors que menthe et orange apportent de petites ponctuations mentholées et acidulées en bouche. C'est frais et doux à la fois, et plein de rebondissements. J'en aurais repris. Deux fois au moins.

La morue noire, aussi, est divine. Ce poisson gras qui remplace judicieusement le bar du Chili surpêché est déjà amplement soyeux en bouche au départ. Dans ce plat, il devient carrément velouté, évanescent, dans des bouchées structurées par des flocons de chorizo et le goût de terre salée du céleri rave.

Autres coups de coeur? Le cardeau avec purée de prune, tendre et bien rehaussé par l'acidité crémeuse du fruit et le punch d'un peu de wasabi et de concombre. Le boeuf, du wagyu avec gingembre et sésame (qui pourrait sembler surtout racoleur avec cette liste d'ingrédients), est parfaitement saisi en tataki, délicat, presque léger.

Pour la fraîcheur, la salade de jicama en est remplie, contraste intéressant avec le risotto au crabe des neiges et aux asperges, très crémeux, très riche. La pieuvre grillée à la moelle et aux tomates cerises? Plat plus approximatif, qui se distingue moins des interprétations habituelles, notamment parce que la moelle n'est pas précisément présente.

Les desserts

Pour les desserts, c'est la même chef qu'au Club chasse et pêche, Masami Waki, qui prépare les plats et les achemine avenue du Mont-Royal. Cela semble toutefois enlever un petit peu de la magie des assiettes sucrées de cette grande pâtissière.

La tarte au chocolat en étages est magnifique techniquement, chaque couche de chocolat est bien définie et mise en valeur par une coupe nette. Mais on y cherche, en vain, la légèreté éclatante de saveur habituelle des tartes de Waki.

Le pudding caramel amandes est lui aussi un peu lourdaud, bien que le coeur fondant version caramel soit une idée fort jolie. Comme, d'ailleurs, bien des idées qui se retrouvent dans les plats de cette nouvelle addition fort heureuse au paysage des restaurants montréalais.

219, avenue du Mont-Royal O., Montréal, 514-360-6060, www.lefilet.ca

> Prix : Les assiettes sont de toutes sortes de taille et les prix varient de 4$ à 19 $. On recommande de deux à trois plats par personne par repas.

> Carte des vins : La carte des vins comprend toutes sortes de bouteilles, plusieurs importations privées et un choix au verre qui varie. Les amateurs de découvertes apprécieront. Plusieurs crus intéressants à prix raisonnables.

> Décor : Plafond bas, murs très foncés, oeuvres photographiques lumineuses de Geneviève Cadieux et Nicolas Baier. On se croirait presque dans une sorte de boîte de nuit réinventée. Et on est loin des clichés néo-québécois des dernières années. L'aménagement a été conçu par Annie Lebel d'In Situ avec le copropriétaire Hubert Marsolais. Antoine Laverdière signe les luminaires.

> Faune et ambiance : Beaucoup de gens connus, du milieu des communications, des arts, de la gastronomie. Un peu de people aussi. L'atmosphère est très vivante. Pour gastronomes ayant envie de voir du monde.

+ La cuisine fraîche et créative vraiment très savoureuse.

- Le bruit, trop fort. On peut avoir mal à la gorge en sortant.

> On y retourne? Oui, mais un mardi soir.