J'ai rencontré un jour Aniello Covone, propriétaire de l'ancien Il Mulino et maintenant de l'Hostaria, sans le savoir. J'étais au comptoir des charcuteries à l'épicerie Milano, dans la Petite Italie et je posais des questions à la dame derrière le comptoir, quand il est intervenu dans la conversation pour m'expliquer l'origine d'un produit. Voyant cet homme, ma foi, bien renseigné, j'ai décidé de poser d'autres questions et nous avons ainsi conversé pendant de longues minutes de mets italiens.

Il a fini par m'expliquer qu'il travaillait dans la restauration, d'où toutes ces connaissances. De toute évidence, il n'avait aucune idée de mon métier à moi et me parlait comme il aurait parlé à n'importe qui d'un peu curieux devant des montagnes d'olives, de parmesan et de prosciutto.

Par la suite, je suis allée dans son restaurant, où j'ai toujours bien mangé mais où je n'ai jamais retrouvé cette magie chaleureuse, cette passion contagieuse pour les bons produits italiens qu'on m'avait souvent décrites et que j'avais perçues durant notre rencontre devant la mozzarelle.

Le lieu me semblait un peu fatigué. Et quand Il Mulino, cette institution de la Petite Italie a fermé pour se transformer, je n'ai pas été surprise. Il était temps de changer. De trouver une façon de revenir aux sources. Et c'est exactement ce que réussit l'Hostaria, la nouvelle table ouverte par M. Covone, avec un nouveau chef, Andrea Sgrò, et une nouvelle coéquipière, Aline Carmeline Russo, bien connue dans le monde du vin.

En salle, l'atmosphère est totalement allégée et modernisée. Exit les lourds tissus, le décorum chargé et le mystère planant sur les prix des plats. Les plats du jour sont écrits sur un tableau noir. Il y a un bar, des pierres grises sur les murs et un comptoir de marbre blanc.

Des classiques sans les clichés

Dans l'assiette, on renoue avec des classiques italiens, mais sans jamais tomber dans les clichés. Les gnocchi de ricotta, avec pesto et tomates concassées, sont légers, fondants et goûtent bien le fromage et le basilic sans que l'ail du pesto n'écrase quoi que ce soit. La salade de rucola est parfaitement fraîche, rehaussée par des amandes grillées et un peu de gorgonzola. Là encore, l'équilibre est atteint en douceur. Une véritable leçon pour les autres.

Du côté des plats principaux, nombreuses sont les assiettes costaudes, comme ce carré de bison impeccablement saignant servi avec des rapini, des pommes de terre rattes, des oignons fondus et de grosses branches de romarin. Mais on aurait aussi pu prendre une gigantesque côte de boeuf ou encore du cochon de lait. Les carnivores sont servis.

D'autres se réjouiront des pâtes, comme ces tagliatelles larges mais fines comme du papier qui voguent en bouche avant de rompre sobrement sous la dent, servies avec un ragù de sanglier mijoté longtemps, à la fois riche et nuancé comme une forêt en automne.

Au dessert, il faut commander le zabaglione, qui arrive nécessairement pour deux. Cette mousse à base de jaunes d'oeufs sucrés, battus et montés façon crème anglaise est faite à la minute puisque le dessert arrive encore chaud. Quelle joie d'être ainsi surprise par un classique oublié, parfaitement bien exécuté, toujours aussi moderne. Comme l'affogato, d'ailleurs, une combinaison toute simple de glace à la vanille et de café très chaud.

On termine le repas avec l'impression d'être de retour dans un espace de saveurs à la fois géniales et familières, dont on s'ennuyait sans le savoir. Home sweet home.

Hostaria

236, rue Saint-Zotique E., Montréal, 514 273-5776

Prix: Avec des entrées entre 12 et 18$ et des plats entre 20 et 36$, vin, café et desserts, le repas pour deux a coûté 185$ tout compris.

Carte de vins: «J'ai l'impression de redécouvrir le vin», lance Carmeline Russo, l'un des nouveaux visages du restaurant, qui a sa propre agence, Enotria, mais sert des vins de nombreux autres fournisseurs, à l'Hosteria. Rien de banal au menu, donc. Des bouteilles choisies dans toutes sortes de régions italiennes à prix raisonnables. Jolies options au verre.

Ambiance: Vivante, mais calme. Niveau de décibels très raisonnable. On peut s'asseoir au bar pour manger seul et placoter avec les habitués. On est loin du restaurant plus cérémonieux qu'était Il Mulino. Place à une atmosphère bistro, conviviale.

Décor: Moderne sans être froidement minimaliste, le décor crée une atmosphère de restaurant de quartier urbain. Pierre rectangulaire grise au mur, comptoir de marbre, grandes fenêtres...

Service: Professionnel et gentil.

Plus: La qualité de la nourriture italienne classique et l'atmosphère conviviale

Moins: C'est aussi ouvert le midi, mais seulement deux jours, jeudi et vendredi. Et c'est fermé les dimanches, lundis et mardis soirs.

Notre critique visite les restaurants à l'improviste, en prenant soin de ne pas réserver à son nom. Aucune invitation n'est acceptée. L'addition est entièrement payée par La Presse

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