N'ayant pas les moyens de boire mon vin préféré, le Corton-Charlemagne  un grand cru blanc de la Côte de Beaune en Bourgogne , j'ai mis au point avec les années une sorte de défi pour les sommeliers dans les restaurants et bars à vin sérieux: je leur demande s'ils peuvent me proposer un «Corton Charlemagne du pauvre». C'est Nadia Fournier, l'auteure du fameux Guide Phaneuf, qui a inventé l'expression un jour où je lui ai exposé mon problème. On ne peut évidemment remplacer un Corton-Charlemagne par aucun vin, mais le but de l'exercice est de chercher quelque chose qui joue dans les mêmes tons de chardonnay.

C'est donc la question que j'ai posée lors de ma dernière visite chez Pullman, un bar à vin de l'avenue du Parc ouvert en 2004, mais dont le chef vient de changer. La sommelière, Véronique Dalle, est allée chercher un Marsannay de Marc Roy (importation privée, chez Rézin) parfaitement dans l'esprit recherché, légèrement boisé, mais avec une certaine tension minérale, pour reprendre ses mots. J'ai tout de suite été ravie.

Le Pullman, depuis ses débuts, est synonyme de ce genre de découverte.

On y va pour prendre un verre de vin, mais le verre en question n'est jamais banal. Il suffit de discuter un peu avec le sommelier, que ce soit Gabriel Jauvin ou Véronique Dalle ou tout autre membre de l'équipe, pour partir sur des pistes nouvelles ou peu fréquentées. Peu de bars à vins réussissent à rendre ces explorations aussi accessibles. Car peu de bars à vin parviennent aussi finement à cet équilibre nécessaire entre le vin à l'avant-plan et, à l'arrière-plan, une cuisine qui accompagne, rehausse, tapisse joliment l'estomac en restant toujours à la hauteur, sans jamais prendre le dessus sur l'expérience.

Continuité

Depuis la fin de l'été, le chef Stelio Perombelon ne supervise plus la cuisine, mais c'est vraiment lui qui a su trouver le ton juste que poursuit actuellement son successeur Guillaume Sparks-Beaulé, avec qui il faisait d'ailleurs équipe avant son départ.

Le menu, d'ailleurs, n'a pas réellement changé. On retrouve encore les mini-burgers de bison, servis avec un cornet de pommes allumettes miniatures, un plat minutieux où la petitesse des éléments rend pratiquement élégante cette combinaison de pain et de viande connue pour sa robustesse. Les haricots fins sont toujours servis bien croquants, mais froids, alors que je gardais un souvenir plus magique d'un plat au moins tiède, à une époque où l'huile de truffe qui les garnissait me déplaisait nettement moins.

Par contre, je ne me rappelais pas le carpaccio de bar sauvage, servi avec une vinaigrette au safran et des oeufs de poisson, combinaison fraîche où la saveur bien particulière sait trouver sa place, quelque part entre les saveurs maritimes du plat et le plaisir que l'on prend à laisser les billes écarlates éclater en bouche.

Les gnocchis de ricotta, présentés sur une fondue de tomates très bien faites, sont eux aussi adorables dans leur format miniature. On a l'impression de manger de la cuisine italienne de poupée, toute en délicatesse. L'entrée de ricotta, en revanche, est un peu simple. Bonne. Mais simple. Ricotta, pain grillé. Tomates confites. Pourquoi pas un peu plus? En revanche, la poêlée de champignons, avec pleurotes érigés et armillaires, coiffée de cresson frais sur une fine et longue tranche de baguette grillée, est d'une simplicité parfaite, chaque élément étant à sa place, autant côté saveurs soutenues que textures toutes en contrastes.

Pour le dessert, je recommande les truffes très simples, faites avec du chocolat noir de bonne qualité, bien fondantes et joliment présentées sur une plaque de pierre. Mais surtout, surtout, les churros miniaturisés, ces beignets espagnols étoilés, ici en version parfaitement croquante, parfaitement légère. On trempe le tout dans du chocolat au lait très épais comme le veut la tradition. Charmant.

Pullman

3424, av. du Parc, Montréal, 514-288-7779, www.pullman-mtl.com

>Prix: Les différentes tapas qui sont servies avec le vin vont de 5$ (une assiette d'olives Bella di Cerignola et citron confit) à 14$ (foie gras au torchon) ou 15$ (six huîtres sur glace).

>Carte de vins: C'est un bar à vin. La carte est donc longue. Et surtout très recherchée, remplie d'importations privées et de trouvailles à tous les prix. Un plaisir pour les amateurs qui n'ont pas nécessairement envie de dépenser une fortune sur des évidences, pour boire du vrai bon vin.

>Décor: Réalisé par le cabinet de Bruno Braën (Le Saint-Gabriel, le DNA, le Club chasse et pêche), le décor demeure toujours spectaculaire grâce à l'immense lustre en verres à vin suspendus dans l'entrée. Le côté post-industriel brut demeure d'actualité. Fait intéressant: on peut réserver différents étages ou sections du bar pour des fêtes de groupe.

>Ambiance: On est dans un bar plus que dans un restaurant, mais c'est là que vont les chefs après leur quart de travail le soir. On est chez des amateurs de bonne cuisine et de bons vins qui tiennent une buvette.

+ Le service précis et intelligent du vin,  et une carte qui complète et souligne bien les bons crus.

- La carte doit rester dans les mêmes tons, mais on a hâte de la voir bouger un peu.

On y retourne: C'est sûr.