À la mi-février, la grande Racha Bassoul, ancienne chef copropriétaire du restaurant Anise, est sortie de sa jeune retraite pour cuisiner aux Cavistes, rue Saint-Denis*.

Grande fan de cette chef autodidacte dont la palette de parfums est unique dans cette ville, j'ai vite réservé. Je m'ennuie beaucoup de son restaurant phare de la rue Laurier, un endroit tout en douceur où on entrait comme on entre au spa, pour s'y faire dorloter. L'idée de goûter à nouveau à ses confections était une fête en soi.

Le soir venu, chaque bouchée à l'anis ou à la cardamome fut un bonheur. Du foie gras poché dans la théière avec du riz grillé dans le bouillon jusqu'à la pastilla d'agneau aux sept épices en passant par les noix piquantes. Tout me rappelait les belles années de l'élégant établissement.

Même si tout n'était pas aussi spectaculaire qu'à l'époque d'Anise, cette expérience m'a laissé une bonne impression du restaurant piloté depuis septembre par un nouveau chef, Joey Frey, un ancien collaborateur de Mme Bassoul. Assez bonne impression pour que j'aie envie d'y retourner, surtout que le sommelier s'était révélé absolument efficace et courtois, avec des suggestions originales bien expliquées, chose cruciale dans un restaurant spécialisé dans le vin.

C'est ainsi, donc, que je m'y suis retrouvée dans le cadre du festival Montréal en lumière, lors d'une soirée mettant en vedette la cuisine de M. Frey, en harmonie aux vins de la maison Hedges de l'État de Washington.

Cette fois, intéressante sur papier, l'expérience fut moins précise dans l'assiette.

Malgré une mise en bouche délicate d'huître en gelée de champagne ponctuée de menthe et de poivre rose, le repas a eu de la difficulté à poursuivre sur cette route.

Le tartare de saumon et de bar rayé, par exemple, n'était pas assez original ni bien réalisé pour s'élever au-dessus du lieu commun qu'est devenu ce plat. On cherchait la délicatesse qui marquait pourtant la cuisine d'Anise où le chef a fait ses classes.

En amuse-doigts, le bâtonnet de gruyère avec trempette d'oignons caramélisés au thym frais était carrément lourdaud. On aurait dit un fondu parmesan des années 70 non revisité. Et on cherchait le goût du thym annoncé.

En entrée chaude, la joue de porc braisée sur purée de patate douce était tendre et savoureuse. Par contre, la présentation s'avérait presque rébarbative. On aurait dit la viande échappée sur une flaque de tubercule écrasé. L'échalote frite donnait certes un peu de croquant, mais on cherchait quand même l'élégance et une complexité justifiant qu'on revienne sur cette viande pour un repas dégustation.

En plat principal, le cipaille de perdrix et de pintade aux champignons sauvages, était un concept intéressant, mais la réalisation tombait dans quelques pièges: sécheresse de la chair des deux volailles et absence de ce côté diaphane de la phyllo utilisée pour la croûte, qui aurait dû être au coeur de son charme. Une bien bonne idée à peaufiner, à mieux travailler.

Le plateau de fromages était ensuite intéressant, mais très basique, et le dessert, un peu étonnant. On n'est pas habitué, en effet, de voir un repas sept services prendre fin de façon aussi costaude, avec un gros morceau de gâteau forêt noire on ne peut plus traditionnel. Comme s'il était sorti du fin fond des années 70 pour nous rendre visite. Le gâteau, cela dit, était moelleux, riche et bien réalisé. Et on aimerait bien savoir où en racheter.

Mais était-ce une finale appropriée? On aurait apprécié quelque chose de plus délicat, de plus finement travaillé. Comme pour tout le reste du repas, d'ailleurs.



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Les Cavistes, 196, rue Fleury, Montréal 

(514) 508-5033



* Le restaurant est déménagé

Prix: entrées entre 8 $ et 15 $, plats entre 20 $ et 27 $, desserts 9 $ ou 10 $.

Carte de vins: Voilà une des forces de ce restaurant où l'on peut acheter du vin à la bouteille si on achète des plats à emporter. La carte est relativement courte pour un bar à vin, mais bien triée, à prix variés. Et il y a beaucoup d'options au verre.

Service: Le service du vin est fait de façon dynamique et très professionnelle. Belles conversations avec le sommelier. Par contre, pour la cuisine, on cherche un peu plus de précision et moins d'assiettes communes à partager, surtout quand le plat n'est pas annoncé ainsi.

Décor: Très bel environnement façon bistro moderne en bois pâle, noir et crème.

Le plus: Le décor, la carte des vins et le service du vin

Le moins: Une cuisine un peu brouillonne

On y retourne? Pas tout de suite.