Je m'ennuie beaucoup de certains restaurants qui ont fermé leurs portes au cours des dernières années. Anise, par exemple, merveilleuse table de la chef Racha Bassoul, avenue Laurier, petit écrin de calme feutré (où on s'entendait parler!), aurait encore une belle place sur ma liste de favoris s'il était toujours ouvert.

Le restaurant Les Chèvres, aussi, où travaillaient ensemble Stelio Perombelon (aujourd'hui au Sinclair) et Patrice Demers (des 400 Coups), avait quelque chose de raffiné qui me plaisait beaucoup même si chaque fois que j'y mangeais, mes convives se plaignaient d'avoir le ventre vide en sortant.

L'autre restaurant qui ne se laisse pas oublier, c'est La Montée de lait, surtout dans sa version de la rue Villeneuve. On y mangeait une cuisine fine et précise pour des prix fort raisonnables, et l'atmosphère était toujours animée, sans parler de l'excellente carte de vins. Quand les deux propriétaires ont annoncé qu'ils déménageaient au centre-ville, j'ai cru à l'idée. Mais ce déplacement a tout gâché et la table ne s'en est jamais remise.

La dernière fois que j'ai croisé Hugo Duchesne, sommelier et copropriétaire, c'était au Laurie Raphaël, où il travaille avec l'équipe de Daniel Vézina.

Quant à Martin Juneau, chef et autre copropriétaire, il vient d'ouvrir un nouveau restaurant, après un séjour court et mitigé au Newtown.

Le nouvel établissement s'appelle Pastaga et est installé boulevard Saint-Laurent, à mi-chemin entre le Mile End et la Petite Italie.

Le chef y reprend la formule de départ de La Montée de lait: de petits plats de taille moyenne, qu'on partage et qu'on multiplie, ou pas, selon son appétit.

Comme à La Montée, la carte de vins est particulièrement soignée et même spécialisée. On s'affiche en effet ouvertement en faveur des vins «nature», cette étiquette à la mode qui désigne des vins non souffrés, non filtrés et produits par de petits vignerons selon une philosophie minimaliste plus que centenaire. (Au Québec, le vigneron culte de ce style de vin est feu le Bourguignon Marcel Lapierre avec son Morgon, mais il existe des dizaines de bons producteurs distribués ici.)

Tout compte fait, le concept du restaurant ressemble donc pas mal à La Montée de lait, mis à part le décor, qui n'est plus contemporain un peu scandinave, mais plutôt éclaté au-delà des styles, avec des tables aux formes géométriques asymétriques et un rideau de perles un peu western pour partager la salle en deux. La cuisine, en outre, est vitrée et une grande table permet d'y manger en regardant les cuisiniers à l'oeuvre ou en suivant ce qui se passe à la télévision...

Dans l'assiette, la cuisine est bel et bien celle de Martin Juneau, ces combinaisons juste assez audacieuses, jamais trop, bien dosées et bien articulées.

Ainsi, un tartare de thon blanc juste assez relevé est déposé sur une surprenante gelée de chou-fleur toute blanche tandis qu'un smoked meat de bison froid, savoureux sans être trop poivré, se mange avec des cornichons maison.

Parmi les plats les plus élégants, on note un flétan vraiment très fondant - cuisson parfaite - servi sur des rabioles glacées au jus de viande qui donnent au plat une sympathique mini-note «surf'n'turf».

Et si l'assiette de longe de cochon est un peu fade - un des convives à la table n'arrivait même pas à identifier la viande tellement son goût était neutre - malgré le pesto de roquette et la betterave en ketchup, le plat de ris de veau rôti est pour sa part à la fois doux et réellement réussi. On aime notamment l'onctuosité de l'oeuf poché qui se marie à la texture des ris rôtis. Même bonheur du côté de la poitrine de porcelet laquée au sucre brun. Riche, tendre, savoureuse...

Au dessert, la fête continue avec un gâteau aux carottes revu et corrigé façon pain perdu - bonjour le moelleux - et un sandwich glacé à la banane et au chocolat au lait, amusant et festif, notamment grâce à la nougatine aux cacahuètes, craquante sous la dent.

Remplis de parfums, préparés avec soin, jamais ennuyants, jamais bâclés, parfois un peu aventureux, mais toujours accessibles, les desserts comme les plats amusent et rassasient tandis que leurs prix demeurent abordables. Charmant.

Pastaga.

6389, boul. Saint-Laurent, 438-381-6389

Prix : Plats entre 12,50$ et 16$, desserts entre 7$ et 9,50$

Carte de vins : Vraiment très intéressante, surtout pour les amateurs de vins «nature».

Atmosphère : Animée, voire bruyante. Beaucoup de groupes d'amis, de représentants épicuriens de la génération Y.

Service : Efficace, professionnel. Excellents conseils côté vins.

 Une belle carte de vins et une cuisine savoureuse, minutieuse.

Un niveau de bruit élevé et un décor qui semble rapiécé.

On y retourne? Oui