Si on me demandait de dessiner mon restaurant de quartier idéal, il ressemblerait aux Cons servent, avenue Papineau.

Cuisine créative, mais façon bistro. Décor moderne façon rustique. Atmosphère détendue avec un côté très actuel grâce à des proprios allumés. La seule chose que je changerais, ce serait le plafond, pour ne pas que le niveau de décibels explose quand la salle est bien remplie.Les résidants du secteur bordant les avenues Laurier et Papineau sont bien chanceux.

Ils avaient Première Moisson, Olive et olives, Tri express... Maintenant ils ont en plus ce sympathique bistro gastronomique, ouvert par quatre comparses, dont Stelio Perombelon, un chef qui oeuvrait autrefois aux Chèvres et au Chou et Frédéric Simon, un sommelier qui a travaillé notamment à l'Utopie à Québec.

J'aimerais moi aussi avoir près de chez moi un lieu comme ça où on peut débarquer un mardi soir avec les enfants pour manger un pavé de foie ou le poisson du jour. Où on peut s'asseoir au bar un mercredi, entre adultes, après le cinéma, pour déguster un vin biodynamique, accompagné d'un ris de veau. Où on peut s'installer en gang un dimanche matin, pour le brunch. J'aimerais aussi avoir un restaurant près de chez moi où on peut s'arrêter un jeudi pour emporter quelques plats maison (cassoulet, veau marengo...) et une bouteille de vin d'importation privée, inconnue, délicieuse.

Les Cons servent a ouvert en 2007 et son menu a déjà évolué, s'adaptant plus qu'aux saisons, presque aux humeurs du moment.

Ainsi, j'y ai mangé, en plein mois de février froid et humide, une salade aux sanguines, au fenouil émincé et à l'estragon qui convenait parfaitement à la journée puisque commençait alors dans nos fruiteries la saison de ces oranges aux tons dramatiques. On aurait dit que le soleil des agrumes et le craquant du légume anisé étaient là pour nous assurer, sans fanfare, qu'un jour arriverait le printemps.

Au même moment, j'y ai aussi dégusté un saumon croustillant cuit à l'unilatérale, servi en entrée et préparé habilement afin qu'il garde tout son moelleux malgré une carapace délicatement craquante. J'ai été surprise de le voir préparé «tonnato», comme le célèbre veau tonnato piémontais, donc avec une sauce au thon, douce et équilibrée par quelques notes d'agrumes. Mais en goûtant aux saveurs mélangées - il y avait aussi des asperges - j'ai eu l'impression que ce plat cherchait lui aussi à comprendre cette fin d'hiver. Comme si la sauce, préparée avec du thon cuit, réussissait à appuyer le côté marin de l'autre poisson, souvenirs de vacances au bord de la mer inclus, tout en nous gardant les deux pieds sur terre puisque le thon cuit est celui du quotidien hivernal.

Le plat de pétoncles servis sur spätzle (version germanique des nouilles), avec des pleurotes érigés et une sauce à la moutarde de Meaux joue aussi avec cet ensemble de référence, comme si rendu à cette étape de l'hiver, on préfère délaisser les viandes trop riches et rêver d'océans, mais qu'on avait encore besoin de la chaleur goûteuse et réconfortante, avec leur petit côté «coin du feu», des pâtes aux champignons.

Autre belle idée du chef: cette terrine ménagère de pot-au-feu, où la viande de boeuf d'un pot-au-feu traditionnel (joue, jarret...) est cuite puis moulée en terrine, un peu comme de la tête fromagée, et ensuite servie avec des légumes croquants en à-côté.

En plat principal, la cuisse de canard est le plat le plus cher, à 27$, car elle est servie braisée dans le muscat sur une tranche de foie gras foie poêlé et quelques raisins verts. Mais vous ne perdrez rien à choisir l'omble chevalier à 19$, par exemple, un plat tout en équilibre où le riche poisson de la famille du saumon est cuit enrobé dans du jambon de Bayonne et accompagné de la pointe acide et légèrement piquante d'un trait de yaourt à la harissa maison.

Côté desserts, le restaurant a encore un peu de chemin à faire. Le fondant au chocolat est absolument exquis, riche et chocolaté comme des brownies de super luxe. Malheureusement, sa croûte est un petit peu dur. Pour en profiter simplement, il faudrait pouvoir le prendre avec les doigts et croquer à belles dents.

Aussi, le gâteau aux carottes légèrement déconstruit contenu dans un pot en verre à couvercle est sympathique et rigolo et plutôt bon; mais une fois la surprise passée, on se demande pourquoi cette entourloupette... Bonne nouvelle, on peut plutôt opter pour du fromage.

Les Cons Servent

5064, avenue Papineau

Montréal

514-524-8999


www.lescs.com

> Prix: Entrées entre 6$ et 10$; plats entre 15$ et 27$. À deux, tout compris, donc avec un peu de vin, desserts, taxes, service et compagnie, on a dépensé 130$.

> Carte de vins: Très recherchée mais essaie de rester abordable, avec toutes sortes d'importations privées et de vins bios. C'est une excellente idée de laisser le serveur proposer des vins au verre pour les plats.

> Décor: Style néo-rustique alliant sobrement bois et béton, avec éclairage de type bistro rétro.

> Faune: Les gens du quartier, soit la clientèle professionnelle ou alors artistico-médiatique typique du Plateau mais version discrète. Bref, ceux qui sont derrière le rideau. L'éclairagiste plutôt que l'humoriste, la designer plutôt que ses mannequins.

> Genre: Bistro nouveau.

(+) Une cuisine réconfortante, très bien exécutée et créative, dans un décor et une atmosphère relax.

(-) Les desserts à pousser plus loin et aussi réduire le niveau de bruit.