Le Vieux-Montréal, on le sait, est à la fois un des quartiers les plus cool de la métropole et un quartier particulièrement peu familial. Mais pourquoi est-ce ainsi? Doit-il nécessairement y avoir une opposition entre ces deux concepts?

Pour les membres de la génération X, qui déchiraient leur manteau de cuir Rudsak sur la place publique il n'y a pas si longtemps pour établir clairement qu'ils étaient plus cool que les boomers- et qui se retrouvent aujourd'hui avec une marmaille aussi charmante que les Sauternes dont ils ont découvert les vertus-, la question est cruciale.

Y a-t-il donc des endroits modernes et trippants dans le Vieux-Montréal où l'on peut sortir en famille, sans avoir l'impression de déranger tous les DINKS de la Terre? (DINKS: Double Income, No Kids, deux salaires, pas d'enfants).

Il n'y a pas de réponse à cette question. L'incursion familiale dans un restaurant non familial est une aventure. Des fois ça marche, des fois pas, pour certains c'est libérateur, d'autres se sentent mal à l'aise. Souvent, c'est une bonne idée dans la mesure où on est la SEULE famille à avoir eu cette idée, ce soir-là...

Le Club Chasse et Pêche en famille? Je ne l'essaierai pas avant de très nombreuses années, soyez-en (r)assurés. Idem pour Cube ou Toqué!, pour des raisons évidentes. Mais Olive et Gourmando? Pourquoi pas?

C'est ainsi que par un gentil soir de mars, notre famille est arrivée dans ce petit restaurant de la rue Saint-Paul, cette boulangerie-sandwicherie-browniserie-saladerie super populaire, mieux connue sous le nom de " Olive ", pour les habitués, et qui a décidé d'ouvrir pour le souper, les jeudis soirs uniquement.

Évidemment, lorsque nous sommes arrivés, nous avons tout de suite eu l'impression de faire beaucoup de bruit et de déranger tous les couples qui mangeaient tranquillement aux autres tables. Mais quand le restaurant d'Éric Girard et de Dyan Solomon s'est rempli suffisamment, nos éclats ont disparu dans la rumeur ambiante. Et on a ainsi pu profiter à plein d'un repas constitué de petites assiettes de style tapas, mais remplies de plats qui n'ont rien à voir avec l'Espagne et tout avec la cuisine à base de produits locaux très frais et de très grande qualité, à la fois rustique et savamment assaisonnée, donc immensément savoureuse, qui a fait la marque de commerce de cet établissement le midi.

Grilled-cheese englouti

Tout a commencé par une assiette de frites apportée rapidement pour rassasier les trois enfants. Des pommes coupées en gros morceaux, salées et poivrées légèrement au piment d'Espelette et dorées dans un peu d'huile. Trempées dans un ketchup aux tomates maison, elles ont disparu comme elles étaient venues.

Est arrivé ensuite un grilled-cheese dont j'aurais aimé vous parler. Un sandwich à base de pain de campagne, de gruyère et d'une compote d'oignons caramélisés. Malheureusement, un petit garçon de 4 ans l'a dévoré en refusant catégoriquement à sa mère la moindre bouchée. On a demandé la recette.

Puis est arrivée une assiette de truite fumée sur un lit de fenouil en fines lamelles arrosée d'une légère vinaigrette à l'huile d'olive. Toutes sortes de pousses vertes et très tendres, de la roquette c'est sûr, coiffaient le tout. Un plat léger ou se mêlaient le croquant désaltérant et le salé fumé.

Nous avons ensuite été séduits par une lasagne au brie et aux asperges. Une assiette décadente et coulante, sans l'amertume parfois agaçante de la croûte de certains fromages de ce type. Des asperges croquantes et d'un vert plein de printemps venaient s'affirmer contre le gras moelleux de la pâte molle fondue. Un délice.

Mais aucun de ces plats (à part les frites) n'avait encore réellement ravi notre grande fille de 6 ans- en fait, ce n'est pas vrai, c'est elle qui a mangé presque toutes les petites tomates cerises hollandaises hyper douces de la salade au feta- lorsqu'est arrivée la tartelette aux champignons, une construction à base de pâte feuilletée et couverte d'une montagne de porcini, de pleurotes et de morceaux de truffes, revenus dans un peu de beurre et juste assez salés. Ses yeux se sont soudainement allumés et on n'en a plus entendu parler.

Les parents ont pu arroser le tout de quelques verres d'un ripasso bien senti, puisque même si c'est encore peu connu, le restaurant a tous les permis qu'il faut depuis un bon moment.

Desserts

Pour le dessert, évidemment, impossible de passer à côté des brownies au chocolat et à l'espresso, même quand il faut se battre à table pour qu'on nous garde un morceau. Ces brownies- ils pourraient aussi s'appeler fondant ou fudge que l'on ne s'en offusquerait pas du tout- valent le détour. Faites avec sûrement à peine une cuillerée symbolique de farine, mais surtout du Valhrona et du Illy déca, du beurre et des oeufs probablement venus d'animaux à qui on a chanté des berceuses lorsque petits, ces sucreries au goût profond de chocolat, qui fondent dans la bouche, n'ont rien à voir avec ce qu'on a déjà connu.

Juste avec tout cela, on aurait pu être comblés. Mais au-delà de la nourriture, il se passe quelque chose de charmant chez Olive, le soir. C'est moins fou que le midi, les artisans qui y travaillent peuvent prendre le temps de sourire, de parler plus qu'une seconde et quart. Le rythme pressé du lunch laisse place à une douce ambiance de soirée chaleureuse et apaisante. J'en veux un dans mon quartier!

Olive et Gourmando

351, rue Saint-Paul O.

Prix: À cinq (deux adultes, deux enfants, un bébé) le repas nous a coûté 115 $, incluant vin, pourboire, taxes et tutti quanti.

Faune: Des couples du quartier, des travailleurs du Vieux-Montréal (agences de pub, architectes, designers...) qui s'y sont donné rendez- vous après le travail, avant d'aller au cinéma.

Plus: La qualité de la nourriture. C'est frais, c'est bien assaisonné, c'est savoureux, c'est plein de légumes. On a l'impression de mordre dans un potager.

Moins: Il n'y a pas de chaise haute. Qui leur en trouve une belle, en bois, recyclée?