Le néon, haut perché dans la vitrine, est toujours le même. La veille porte aussi. Dès qu'on entre, une douce odeur de friture éveille les sens. La Paryse ne change pas, lieu immuable d'un quotidien montréalais pourtant avide de changements. Pourquoi le ferait-elle d'ailleurs?

Mise au monde le 19 décembre 1980 par Paryse Taillefer et Sylvie Lamarche, La Paryse a été victime de son succès. Restaurant créé par et pour des étudiants, ce petit endroit intime qui voulait offrir une carte élaborée à sa clientèle a dû s'incliner devant sa plus belle réussite: ses hamburgers.

«Au début, il y avait des brunchs le dimanche et une table d'hôte en soirée», se souvient Diane Bouchard, qui a géré le resto durant ses cinq premières années d'existence et qui s'acquitte de nouveau de cette tâche depuis près de trois ans. «Mais les gens demandaient toujours les hamburgers. Après deux ans, La Paryse a adopté la carte qui est toujours en vigueur aujourd'hui.»

À première vue, le menu de La Paryse est limité, voire minimaliste. Soupe aux légumes et salade en entrée, sandwichs et hamburgers comme «plats de résistance» et gâteaux pour dessert. Mais voilà, la variété de sandwichs et les hamburgers simples, doubles ou spéciaux, accompagnés de frites fraîches faites de pommes de terres brossées mais non épluchées, n'ont pas changé d'un iota. Pas plus que le gâteau aux carottes ou celui au chocolat. Le Coca-Cola et le 7up sont toujours servis dans les bouteilles en verre originales. Seul changement d'importance, l'arrivée de la bière en fût il y a environ trois ans. La recette est bonne et c'est ce qui attire encore et toujours les gens.

Paradoxalement, si La Paryse tentait d'avoir un menu élaboré auparavant, elle tente de résister aux changements de nos jours.

«Si on offrait tout ce que les gens veulent, le cachet ne serait plus le même», soutient Diane Bouchard. «Nous avons aussi eu l'occasion d'agrandir à quelques reprises, mais nous avons toujours refusé, et ce, pour la même raison.»

Le cachet se retrouve sous plusieurs aspects. La qualité de la nourriture, une atmosphère détendue et un décor presque figé dans le temps.

L'immense bouchon de Coca-Cola dans la pièce d'entrée semble attendre le client. À l'exception de quelques couches de peinture, cette pièce pour fumeurs et sa petite soeur du fond, pour non-fumeurs, sont toujours identiques. Tout comme les tables carrées de couleur rouge aux rebords bordés de métal et les chaises en bois originales. Seule disparation majeure, la vieille armoire près de l'entrée sur laquelle trônaient les boules de gommes. Ladite armoire a dû être sacrifiée à la suite de la construction d'un mur coupe-vent près de la porte, indispensable en raison des files d'attente hivernales.

Presque rien n'a changé depuis le temps où ce lieu se nommait le Café Crème. Toutefois, les divisions originales rappellent que l'endroit était un appartement... quand les lieux servaient pour une maison close à une époque encore plus lointaine.

Les employés sont autant attachés à ce resto que les anciens étudiants, maintenant professionnels, qui y reviennent périodiquement pour se mêler aux nouveaux élèves du savoir. L'ancienneté moyenne du personnel est de neuf ans pour un commerce qui n'en compte pas encore douze.

Mais à une époque où tout se chiffre, c'est peut-être le fait de manger un repas complet pour moins de dix dollars qui est finalement la raison principale du succès de La Paryse. Mais si cet aspect peut attirer la clientèle, ce n'est pas ce qui les incite à revenir.

LA PARYSE, 302 Ontario, coin Sanguinet.