C'est une des meilleures femmes-chefs de Montréal. Et son retour sur la scène gastronomique de la métropole, un peu plus d'un an après la fermeture de son ancien établissement, Il Sole, est vraiment une excellente nouvelle.

Graziella, parce que c'est ainsi que s'appelle le nouveau restaurant de Graziella Battista dans le Vieux-Montréal, est mon premier coup de coeur de 2008.

J'y suis allée deux fois avant d'écrire cet article pour être bien certaine que l'immense ravissement de ma première visite serait au rendez-vous une seconde fois. Et ce fut le cas.

Tout ce que j'y ai mangé était succulent. Pas juste bon. Succulent comme sont les choses qui goûtent bon longtemps dans la bouche, qui comblent et font sourire sans acrobatie ni facétie.

À mille lieues de la cuisine moléculaire dont les Espagnols sont fous, la meilleure cuisine italienne n'a rien d'intellectuel ni de rationnel et toute sa qualité dépend du talent de la personne qui la cuisine à maximiser le plaisir procuré en bouche par la simplicité et la tradition.

Ainsi, au-delà de la technique en cuisine, de la fraîcheur impeccable des produits, de la justesse des agencements, ce qui nous épate dans cette cuisine est une chose toute simple: la qualité du goût de cette femme qui pousse les plats au bout de ce qu'ils doivent être pour nous nourrir et nous rendre heureux.

Ainsi, une simple entrée de roquette au parmesan devient un moment de grâce. À cause de la fraîcheur parfaite des feuilles de mini-roquette, de la qualité impeccable du fromage discrètement saupoudré sur la salade - on est loin de ces gros copeaux format Hummer de certains établissements italiens m'as-tu-vu - grâce aussi à ces noix de pin doucement grillées qui viennent craquer sous la dent

Même émerveillement pour cette entrée de pétoncles cuits à point, accompagnés de haricots et de pancetta, où la rencontre entre le fruit de mer et la cochonnaille devient une parfaite métaphore pour ce mois de mars un peu contradictoire, rempli à la fois d'envies de fuir vers la plage et du désir du bonheur simple d'une soirée au coin du feu.

En plat principal, l'osso buco est un des meilleurs que j'aie jamais mangé. Déposé sur un risotto à la milanaise bien safrané, lui-même entouré d'un jus de viande, le jarret de veau fond sous la dent, ponctué par les parfums verts et acidulés d'une gremolata - accompagnement typique de persil, d'ail et de zeste de citron - à la fois subtile et essentielle.

Évidemment, il faut aussi essayer les pâtes, toujours parfaitement al dente et de grande qualité, et qui, lorsqu'elles sont au lapin, sont vitaminées par cette petite pointe à la fois acide et sucrée, typique des sauces faites à partir de tomates fraîches. Le bonheur.

Desserts et cafés sont préparés avec autant de goût et de précision, que ce soient les cannoli - tubes de pâte délicatement frite farcis à la ricotta chocolatée - ou le semifreddo, une glace au nougat qui casse sous la fourchette, avec des morceaux de chocolat

Graziella

116, avenue McGill Montréal 514 876-0116

> Prix: Menu du midi à 25$. Le soir, il faut compter le double environ. Avec vin, dessert, cafés, taxes et service, un repas à deux nous a coûté 180$.

> Carte de vins: Un mélange de bouteilles en importation privée et de bons classiques de la SAQ. Choix de vins au verre limité mais satisfaisant.

> Décor: On est loin du côté un peu italo-campagnard de l'ancien Il Sole, qui était lui-même un peu perdu dans cette section clinquante du boulevard Saint-Laurent. Cette fois, l'équipe formée par Graziella, son mari Pierre Julien et Alexandre Gagnon (un autre ancien d'Il Sole) s'est installée dans le Vieux-Montréal, dans un ancien local occupé par des architectes, aux plafonds vertigineux. D'imposants et élégants lustres en tissu donnent aux lieux un chic moderne un peu post-industriel, tout en sobriété et en élégance, à la milanaise.

> Faune et ambiance: Graziella n'est pas une destination branchée du Vieux-Montréal où plus la nourriture est médiocre, plus le budget escarpins des barmaids et des convives est élevé. Chez Graziella, on fréquente plutôt des adultes consentants à se faire servir une cuisine de grande qualité, dans une atmosphère aérée et contemporaine.

> Service: Pas tout à fait aussi pro qu'on l'aurait aimé en début de soirée - lenteur, manques d'explication - puis absolument impeccable quand un serveur différent a commencé à s'occuper de notre table.

> Plus: Une cuisine italienne d'une grande finesse dans un décor contemporain d'une grande élégance.

> Moins: Le service pourrait être plus uniformément professionnel.