Imaginez la scène: des hommes, des femmes, des hétéros, des gais et des lesbiennes, tous scotchés devant une télé. Au programme: des films érotiques. L'objectif est scientifique: mesurer l'excitation objective et subjective des participants. Les résultats, quoique peu surprenants chez les gars, se révèlent particulièrement troublants chez les dames. On les savait compliquées, c'est désormais prouvé!

Meredith Chivers, professeure de psychologie à l'université Queens, en Ontario, réalise depuis quelques années des expériences pour le moins inusitées. La dernière en lice fait d'ailleurs beaucoup jaser: elle a présenté à une série de cobayes (toutes orientations sexuelles confondues) divers films érotiques. Les participants ont été branchés à des pléthysmographes, un outil permettant de mesurer l'afflux sanguin au niveau du sexe, histoire d'évaluer leur excitation objective. En parallèle, elle leur a demandé de noter personnellement cette même excitation, afin de vérifier l'écart entre l'excitation effective et subjective.

Tout l'inusité de la recherche réside dans son choix de matériel pornographique: outre les scènes de pornographie traditionnelle (relations entre hétéros, gais et lesbiennes, masturbation masculine et féminine, exhibitionnisme masculin et féminin), elle a aussi visionné des scènes d'accouplement de bonobos, une espèce de singes d'Afrique centrale en voie de disparition. Le son n'étant pas suffisamment -comment dire-, explicite, la chercheuse a doublé leurs ébats avec des chimpanzés, apparemment nettement plus communicatifs.

Conclusion? Aucune surprise du côté des hommes, qui ont été allumés, tant objectivement que subjectivement, par les scènes prévues. Les hétéros: par les images de relations hétéros et lesbiennes, de même que par les scènes de masturbation et d'exhibitionnisme féminin. Les gais: par les scènes de pénétration entre gais, ainsi que par la masturbation et l'exhibitionnisme masculin. Quant aux bonobos? Excitation zéro.

Les femmes, par contre, se sont montrées nettement moins prévisibles. Qu'elles soient hétéros ou lesbiennes, toutes les scènes de relations sexuelles les ont excitées physiquement: entre hétéros, gais, lesbiennes, même entre bonobos! Subjectivement, par contre, elles n'ont pas du tout reconnu les mêmes niveaux d'excitation. Ainsi, si les femmes hétéros se sont dites moins excitées par les scènes de lesbiennes, et davantage pas les scènes de pénétration hétérosexuelles, disons crûment que leur vagin en a pensé autrement. Idem pour les scènes avec les bonobos...

Les femmes seraient-elles naturellement bisexuelles? Physiquement, la chercheuse croit que oui. Mais ces récentes découvertes poussent encore plus loin sa réflexion. Son hypothèse est d'ailleurs le fruit de recherches subséquentes, à paraître dans la revue Archives of Sexual Behavior: la sexualité féminine serait divisée entre deux sphères distinctes, le subjectif et le physique, croit-elle. Le désir serait purement subjectif, et l'excitation physique ne révélerait finalement que peu de chose sur le désir des femmes.

Cette hypothèse permettrait d'éclairer pourquoi, dans certains cas de viols, les chercheurs ont noté une forme d'excitation physiologique chez les victimes. La lubrification génitale ne serait finalement qu'un mécanisme de défense, visant à «réduire l'inconfort, une éventuelle douleur escomptée durant la pénétration vaginale», résume la chercheuse.

Sinon, conclut-elle à la blague dans une entrevue livrée au New York Times: «il faudrait conclure que les femmes veulent toutes coucher avec des bonobos!»

Et quant au désir des femmes, le mystère demeure entier ...